Bon, d'accord. Un cinéaste. L'ami d'un ami, pour tout dire. (Il est possible que j'aie, dans ma tendre enfance, fréquenté des cinéastes fréquentant eux-même le milieu du théâtre, après tout il est arrivé à mon paternel de jouer un second rôle une fois ou deux dans un téléfilm, et il a bien fallu que quelqu'un les réalise, ces films. Je crois. C'est pas comme si je les avais vus, en fait. D'ailleurs il s'agit peut-être d'épisodes de séries télévisées ?)
Toujours est-il que les deux amis en question (le mien, et le sien) ont fait leurs études ensemble dans une fac qui propose une filière cinéma. (A soixante kilomètres de Hollywood, faut pas s'étonner). Contrairement à la plupart des élèves qui en sortent, l'ami de mon ami est devenu un cinéaste sérieux. Tellement sérieux qu'il a écrit et co-produit un film (indépendant, bien évidemment) qui, après avoir raflé un certain nombre de prix dans divers festivals, sortait au cinéma à Los Angeles vendredi dernier.
Première à laquelle je fus donc collatéralement invitée (le cinéaste débutant ayant promis deux entrées à son ami qui se trouvait être aussi le mien). Le film était bien, pas assez nuancé à mon goût, mais bien quand même, photographie sympa, acteurs doués, mais ce n'est pas de ça que je voulais parler. C'est plutôt de la soirée qui a suivi, dans un bar voisin (à propos duquel il me vient à l'esprit de fortement déconseiller la vodka-tonic avec du tonic plat), avec plein de gens de milieux divers et variés, mais une majorité d'Artistes, quand même. Il y avait aussi un prof de collège, un financier chiant comme la pluie, un gestionnaire de je ne sais même pas quoi, mon ami ingénieur, mais je ne me sentais quand même pas vraiment à ma place. La plupart des gens se désintéressaient de mon occupation une fois le mot « thèse » sorti de ma bouche, ce qui m'a évité la plupart du temps de préciser « en informatique ».
Malheureusement le cinéaste m'a demandé si, comme son ami qui se trouvait être aussi le mien, je fabriquais des têtes nucléaires (je précise que l'ami commun ne fabrique pas des têtes nucléaires, il fait de la fibre optique et de la transmission sans fil, que passion, c'était une blague), et j'ai répondu sans trop réfléchir et comme d'habitude « non, non, moi je guéris le cancer ». Ce qui n'est pas vraiment vrai, mais pas fondamentalement faux non plus. Du coup, mon ami l'ingénieur, dans son enthousiasme probablement à prouver qu'il fréquentait lui aussi des gens intéressants, a trouvé fort ingénieux de rajouter « mais avec des biologistes et des chimistes ! Elle guérit le cancer ! » chaque fois que je prononçais les mots « thèse en informatique » et que le regard de mon interlocuteur s'éteignait aussitôt.
Y compris en me présentant au type à propos duquel il m'avait dit quelques minutes auparavant qu'il avait déjà survécu dix mois à un cancer du poumon en phase terminale pour lequel on lui avait donné deux mois à vivre.
Tsais quoi, la prochaine fois, je me rabattrai sur la tuberculose. Ou alors la recherche médicamenteuse en général, c'est bien aussi.