En parlant de photographie
Que, je te rappelle, c'est par là-bas que ça se passe, les couleurs, les ruelles étroites et les bâtiments délabrés.
Mais il y a quand même des choses qui n'y seront pas. Tout d'abord, pour des raisons techniques, et à mon grand regret, un certain nombre de bâtiments étant bien trop collés les uns sur les autres. Il me faudrait un grand angle, c'est ballot, je n'ai qu'un pauvre point-and-shoot, cours toujours pour les joies du changement d'objectif et du sac photo qui te réveille la hernie discale. Sans oublier le filtre solaire que tu oublies toujours d'enlever quand il ne le faut pas et de mettre quand il le faut. Peu de photos des bâtiments des rues les plus étroites, donc, on le regrettera.
Par contre on ne regrettera pas l'absence de photos de la Grande Synagogue. D'après le guide, elle a été rénovée en 1970 avec l'addition d'une nouvelle façade extérieure d'arches. Et pas n'importe quelles arches, permets-moi de le dire. Du gros pilier de béton, « arqué » à angle droit, répété avec une fréquence qui n'est pas sans évoquer celle des barreaux d'une prison. Il parait qu'il y de grands et magnifiques vitraux ; ben vu de l'extérieur (j'allais pas visiter, c'était samedi, et je ne sais même pas si elle se visite d'ailleurs) tu as le nez tellement écrasé sur la façade extérieure d'arches façon Bouygues que tu ne te rends absolument pas compte de l'existence de la moindre vitre dans l'édifice. J'ai cherché quelques instants un angle d'attaque de la bête, façon Europe de l'Est des années quatre-vingt peut-être, mais le mieux que je pouvais faire était un gros plan sur deux piliers de béton absolument crétins et j'ai laissé tomber l'affaire.
Les autres photos qui ne sont pas, simplement parce que je n'ose pas, sont des photos de gens. Les vieilles mamas qui prennent le frais sur le pas de la porte dans la plus pure tradition méditerranéenne mériteraient pourtant le coup de déclencheur. Les barrettes qui retiennent les kippas des pratiquants les plus démonstratifs ne manquent pas d'intérêt non plus. Un de mes collègues de Haïfa, aux longs cheveux frisés, porte la sienne avec coquetterie sur le côté (« cette année, messieurs, la kippa se porte à droite, légèrement inclinée »). J'aimerais d'ailleurs bien savoir pourquoi on voit tellement plus d'hommes enkippatés que de femmes emperruquées.
Il y aurait aussi les loubavitchs en costume intégral, du chapeau aux bottines, tout en noir, par le cagnard qu'il fait, ils ne craignent pas le coup de chaud. On voit bien que ça vient de Biélorussie cette affaire, c'est pas les séfarades qu'auraient inventé cet accoutrement... J'ai croisé samedi une bande bien proprette de joyeux hassidim, la grand-mère, la petite-fille et le petit-fils, une dizaine d'années, toque en fourrure sur la kippa (je l'ai vu, il la mettait en sortant de la maison devant laquelle je les ai croisés), pauvre gosse. Ils auraient fait un très joli portrait de groupe, ces gens-là !