Allez vous faire piquer, et plus vite que ça
Mes petits, vous me peinez.
Je croyais qu'il n'y avait qu'aux États-Unis que les théories anti-vaccins fleurissaient et s'épanouissaient avec entrain. Mais force est de constater, d'articles de journaux en billets de blogs, et de conversations en conversations, que les Français se méfient aussi. Le Français se méfie, c'est bien connu, il râle, aussi, et il est tout le temps en grève. Et le Français préfère prendre ses décisions médicales après avoir écouté sa coiffeuse ou sa boulangère plutôt que de faire confiance à son médecin, qui ne cherche qu'à l'arnaquer, c'est bien connu.
Le Français me fatigue, pour tout dire.
Prenant exemple sur son équivalent outre-Atlantique, dont la rationalité est bien connue (non seulement Dieu existe mais la Bible est à prendre au sens littéral, surtout quand elle dit que faire des bisous à un quelqu'un du même sexe, c'est mal, moins quand elle recommande de ne pas se tatouer ni manger de jambon, et la terre n'est certainement pas vieille de plus de quelques milliers d'années), le Français trouve que c'est une drôle d'idée, de s'injecter des trucs et des machins qu'on sait pas trop ce que c'est.
(Un ou plusieurs virus morts, qui permettent au corps humain de développer des anti-corps sans aucun risque de l'infecter, un adjuvant pour avoir à utiliser le moins de virus mort possible, un agent de conservation, et des stabilisants, pour préserver le bousin, le tout dans une solution de suspension. En gros[1].)
Le Français, ayant la mémoire courte, ne se plaint pourtant pas de ne pas avoir à s'inquiéter de ce que son enfant chope la poliomyélite, la coqueluche ou la typhoïde. « Ah, mais les enfants de Machin, ils ne sont pas vaccinés, et ils n'ont jamais eu aucune de ces maladies » ? Ça s'appelle l'immunité de groupe (horde immunity en anglais), et c'est simplement dû au fait que les autres enfants autour de ceux-ci sont, eux, immunisés. Et ne pas vacciner ses enfants tout en comptant sur les autres pour vacciner les leurs... c'est un peu vouloir le beurre, l'argent du beurre, et le cul de la laitière.
Le Français s'inquiète beaucoup des effets secondaires des vaccins. Ne seraient-ils pas responsables de nombreux cas d'autisme, bien que rien n'aie jamais été prouvé dans ce sens[2], probablement parce que l'industrie pharmaceutique, le gouvernement, le FBI et les Lémuriens de Pluton veillent au grain et effacent soigneusement toute trace de preuve ? D'ailleurs, personne n'a jamais marché sur la Lune.
Mais ne sait-on pas qu'un des effets secondaires possibles, bien que mineur, du vaccin contre la grippe, est le syndrome de Guillain-Barré ? Qu'importe alors que l'on sache que la probabilité de développer cette maladie auto-immune soit plus élevée après une grippe qu'après un vaccin contre celle-ci[3] ?
Et puis, ce vaccin contre la grippe porcino-mexico-A-H1N1, il n'a pas été fait un peu vite ? Alors que ça fait des années qu'on attend un vaccin contre le SIDA ? Eh bien non. Non, non, non, et non. Car voyez-vous, le vaccin contre la grippe A a été fait exactement de la même façon que tous les autres vaccins contre la grippe, mais en utilisant la version mutée du moment plutôt que celles qui étaient connues antérieurement. Car c'est comme ça qu'on le fait, le vaccin contre la grippe : on utilise un bout de la dernière version connue de la grippe A H3N2, un bout de la dernière version connue de la grippe A H1N1, et un bout de la dernière version connue de la grippe B. Comme la grippe mute continuellement, plus la version actuelle du virus est proche de la version à partir de laquelle on a été vacciné, mieux on est protégé[4]. Or quand le vaccin contre la grippe saisonnière a été développé, il n'incluait pas la version 2009 de la grippe A H1N1 ; si cette dernière s'était déclaré quelques semaines plus tôt, elle aurait été incorporée au vaccin contre la grippe saisonnière et nous n'aurions pas besoin d'un second vaccin spécifique.
Et pour conclure, n'oubliez pas que de se faire vacciner est aussi un acte de civisme...
Notes
[2] sources diverses et variées
[3] source. Ajoutons les risques de développer Guillain-Barré après une vaccination contre la grippe : une chance sur un million dans le cas des vaccins contre la grippe porcine de 1976 (source), 0,4 chance sur un million dans le cas des vaccins contre la grippe saisonnière en 2002-2003 (source).