La Science
Dans les commentaires de mon bilan de 2011, que tu n'auras, j'en suis sûre, pas manqué de lire tellement ce genre de choses est original en cette saison, j'ai utilisé, afin de souhaiter à blueinkal une bonne année, les mots « science sympa ».
Lune, passée un peu plus tard par là, a trouvé la notion abstraite et j'en profite pour me reprendre : l'adjectif est bien fade. De la science sympa, ça fait science bien brave, allez, elle est pas méchante, regarde, dans les grandes lignes, ça marche, son affaire, on peut pas dire le contraire. Ce n'est pas de ça que je parle. J'ai écrit « science sympa », mais je pensais à ce que j'appelle en anglais hot science, la science sexy, graou, miaou-miam, comme tu voudras.
Attention, pas du sexy au sens geek du terme, façon dernière tablette ultra-légère de la marque à la pomme (voire, mieux, d'un de ses concurrents qui la livre ou, plus raisonnablement, te permet d'installer sans trop t'arracher de cheveux un OS libre dessus). Non, de la science qui t'émerveille, te fait bosser jusqu'à pas d'heure et te tire hors du lit le matin ; de la science qui met des étoiles dans tes yeux et te fait faire une pause dans ta conversation pour respirer un grand coup et dire « Oh, waouh ! ».
De la science bien faite, propre, clean, sans bavure ni conclusions hâtives. De la science élégante, bien léchée, innovatrice. De la science qui fait briller un peu plus les yeux de la personne qui t'en parle, battre son cœur un peu plus vite, un peu comme quand ta meilleure copine te parle de Julio, le bel hidalgo récemment rencontré qui l'a invitée à prendre un café ce week-end. De la science en laquelle tu crois, pas parce que tu en as envie mais parce que tu ne peux pas faire autrement : les preuves sont là, tu connais les moindres détails sur le bout de tes doigts, les explications alternatives ont été soigneusement vérifiées puis rejetées, tu ne peux pas imaginer le moindre artefact. De la science qui t'apprend quelque chose, que ce soit sur la marche du monde, le domaine super pointu dans lequel tu es experte, ou un phénomène, fut-il complètement abstrait, dont tu ne connaissais même pas l'existence avant-hier.
Et de la science comme ça, je t'en souhaite plein, pour 2012 et jusqu'à la fin de tes jours. Oh, pas nécessairement directement, je comprends que ça ne fasse pas palpiter tous les cœurs (mais si c'est le cas, oui, évidemment, steaming hot science all the way, de ta paillasse, ton bloc de brouillon ou poste de travail jusqu'à tes conférences, séminaires hebdomadaires et lectures quotidiennes). Mais à tous les scientifiques autour de toi, ceux qui partagent ta vie, ceux qui sont payés par tes impôts, ceux qui sont embauchés par des boîtes aux quatre coins du globe, ceux dont tu ne soupçonnes même pas l'existence. Parce que c'est le genre de science qui, au final, changera ta vie, que ce soit en améliorant le traitement d'une maladie, la vitesse de transmission des vidéos de chatons mignons jusqu'à ton écran, la sécurité de ta voiture, la qualité de l'eau que tu bois ou, en toute simplicité, notre et par extension ta compréhension du monde.
Si tu me trouves bien lyrique, réjouis-toi au contraire que ce dont j'ai choisi de faire mon métier (dans des conditions horaires et financières pas toujours jouasses, crois-moi) me tienne autant à cœur. Je t'autorise même à être jaloux.
Et si tu me trouves bien naïve, je me contenterai de te faire remarquer que tu réagis quasi instantanément aux mots écrits par une personne confortablement assise à trois, trente, trois cents ou trois mille kilomètres de toi, depuis un appareil qui peut ne pas peser plus lourd que quelques centaines de grammes, et que tu n'as pas vraiment l'air de t'en porter plus mal.