Trois petites notes de musique
C'est enfin l'heure. Sur un signe de tête de l'organisatrice, j'interromps le léger bavardage qui résonne dans les coulisses d'un joyeux « Bereit![1] » avant d'ouvrir la porte côté cour et de m'avancer dans le labyrinthe de chaises, pupitres et arrêts de piques. « Viel Spaß![2] » me glisse la chef de pupitre en prenant place à mes côtés.
Instrument contre la poitrine et archet pointant vers le sol, je laisse mon regard errer sur le public. J'évite de faire trop attention aux auditeurs pour épargner mes nerfs... peine perdue, une tâche céladon m'attire l'œil : un ami vêtu d'un pull superbe dans ce coloris me fait coucou de la main.
Enfin, l'orchestre est sur scène. Les lumières sur la salle s'éteignent, et la chef fait son entrée suivie de la pianiste, toute vénusté dans une magnifique robe grise. Nous faisons semblant de nous accorder[3] ; la chef fait le silence, nous adresse un grand sourire et un « pa-paam-paam-paam » silencieux pour nous signifier le tempo, et lève sa baguette.
Les quarante-cinq minutes qui suivent passent en un clin d'œil. La pianiste est grandiose, les bois virtuoses, et les cordes au taquet comme jamais sur la dynamique. Quarante-trois instrumentistes qui respirent ensemble et attaquent la corde simultanément, c'est un mini-miracle dont je n'arrive pas à me lasser.
A l'entracte, quelques fesse-mathieu à l'approche encore tristement scolaire trouvent bien à s'indigner contre le premier violon solo qui nous a fait démarrer une mesure trop tôt après la lettre T dans le dernier mouvement, mais je préfère en taper cinq avec ceux qui arborent un grand sourire d'avoir fait de la musique aussi jolie.
Quatre heures, une symphonie, un psaume et un quelques bières plus tard, les paupières lourdes, je m'extrais à regret d'une conversation animée pour rentrer m'affaler dans mon lit.« Heeeeeey ! Tu pars déjà ? On se voit le vingt pour les coups d'archets ! » m'apostrophe le chef du pupitre des violoncelles dans un allemand à l'accent souabe épaissi verre par verre avant de me serrer dans ses bras.
Et comment !
Obsolètes à prise rapide, sur une idée de Franck, collectés ici par le même. Mots du 1er au 3 février : céladon, fesse-mathieu, vénusté.