Talent de société
Hier soir, dîner à la maison. Parce que ça faisait des mois que je promettais aux uns et aux autres d'en organiser un, parce que j'ai lancé mes invitations trop tôt pour que les gens aient déjà d'autres plans, et parce qu'il serait dommage de ne pas profiter de tous ces mètres carrés avant de déménager dans un mouchoir de poche parisien[1], nous étions quatorze.
Et je regrette amèrement d'avoir laissé rentrer les gens chez eux sans leur fourguer manu militari un bol de hoummous chacun[2], et en leur disant de ne pas s'inquiéter, on a mangé dans de la vaisselle jetable[3] on va juste mettre les plats à tremper et c'est gentil de proposer de descendre les bouteilles mais tu sais c'est pas sympa pour les voisins de jeter du verre à 2h du mat'. Vu que là à vue de nez j'en ai encore pour deux bonnes heures pour remettre la baraque d'aplomb (dès que j'aurai éloigné mes fesses de l'Internet) et que je ne sais pas trop quoi faire de deux saladiers de hoummous.
Mais là n'est pas mon propos, c'était une excellente soirée qui valait largement la peine de se prendre un peu le chou pour des questions de logistique. D'autant plus, et c'est là que je voulais en venir, qu'un de mes invités et moi-même nous sommes découvert un nouveau talent de société.
Attention lecteur, accroche-toi à tes bretelles, ça pulse tellement, tu risques d'en tomber de ta chaise. Oublie ses talents d'acteur et mes talents d'altiste, oublie que nous ne loupons aucune occasion de combiner ses danses irlandaises avec mon charleston (ça n'amuse que nous), oublie toutes les possibilités mondaines qui te sont venues à l'esprit (faire bouger ses oreilles, faire des bruitages à la bouche et super bien le chat, extraire des racines cubiques, connaître les capitales des états américains, j'en passe et des meilleures).
Non.
Figure-toi que... nous avons des conversations synchronisées. Syn-chro-ni-sées, oui Madame, oui Monsieur, parfaitement, comme je vous le dis. Quand nous discutons tous les deux, je prends la parole dès qu'il se tait, et réciproquement. Ce qui est, contrairement à ce que j'aurais pensé au premier abord (et au deuxième, et d'ailleurs encore ce matin après un café et plus ample réflexion), une manière suffisamment inhabituelle d'avoir une conversation pour que les gens s'arrêtent de parler pour nous écouter et suivre nos échanges comme le Belmondo des Guignols un match de tennis.
Il parait que c'est d'autant plus captivant que nous parlons très vite avec des accents fort différents.
Notre perplexité initiale et l'embarras d'être le centre de l'attention pour une conversation tout à fait banale dont j'ai d'ailleurs déjà oublié le sujet surmontés, nous envisageons d'abandonner nos ambitions scientifiques respectives pour ce qui s'annonce être une carrière brillante, sonnante et trébuchante dans le show-biz.
Et sinon je me demandais, y a des hallucinogènes, dans les pois chiches ?
Notes
[1] Évidemment du point de vue parisien mon nouvel appartement a une taille tout à fait raisonnable.
[2] Conseil malin : 250g de pois chiches secs ne sont pas équivalents à 250g de pois chiches en conserve. Et il est plus efficace de s'en rendre compte avant de les mettre à tremper que le lendemain matin.
[3] Oui, je tue les ours polaires. A mains nues.