J'avais choisi ce week-end là pour voir la première pièce de théâtre dirigée par un de mes amis. Il m'en avait tellement parlé (je me souviens en particulier d'une soirée où il nous avait donné des extraits entiers à lui tout seul, debout dans mon salon) que je connaissais la moitié du texte... et que je m'inquiétais un peu (le texte en question étant de Christopher Durang, il y avait de quoi). J'ai adoré. Et pour prouver que je n'étais pas aveuglée par mes sentiments ou un long conditionnement, le producteur lui a donné carte blanche pour sa prochaine pièce et des gens qui s'y connaissent sont venus lui dire qu'il ne serait pas forcément absurde d'abandonner sa carrière de biologiste pour le théâtre. Hugs all around, donc. J'ai passé le reste de mon temps à ne pas lever le petit doigt (mon hôte était formidable... j'ai beaucoup déçu une de ses colocs ravie de me trouver à la table de leur cuisine quand elle a compris que non, je n'avais pas passé la nuit sous les mêmes draps que lui), boire du thé, me balader, et faire la tournée des bars et restos de la ville avec des gens qui avaient déjà trouvé le moyen de me manquer énormément en un mois.

Après tout ça, forte des cris de joie des gens qui me retrouvaient, de nos balades bras dessus bras dessous, de longues conversations pas toujours drôles à la lumière de cigarettes qui avaient pourtant arrêté un temps de brûler, j'aimerais bien croire que la vie est un marshmallow géant et vive l'esprit de Noël mais je n'aime pas tellement la guimauve et mon cerveau refuse absolument de croire que Noël approche (il va tomber de haut mercredi). Il est donc temps de redescendre sur terre.

Avec, par exemple, cet article de Passeur de Sciences intitulé De graves inégalités hommes-femmes dans la recherche mondiale. Qui m'a rappelé que lors de cette conférence en hôtel-casino, quelques incidents m'ont tristement convaincue qu'il était temps de me remettre à participer aux rencontres réservées aux femmes de la communauté.

L'un d'entre eux, au hasard. Je suis dans un bar avec un groupe de collègues (tous des mecs). Je discute de choses et d'autres avec l'un d'entre eux, Collègue-Espagnol. Arrive un de ses collaborateurs, qui ne connaît que Collègue-Espagnol. Il engage la conversation avec le type à ma gauche, lui demandant sur quoi il travaille. Collègue-Espagnol se lève pour aller chercher une autre bière. Le nouveau venu se tourne alors vers moi.
— « Et toi, qu'est-ce que tu fais dans la vie ? Tu es du coin ? ».
— « Oh, moi ? Je suis juste une fille que Collègue-Espagnol a chopé dans un bar ».
Il faut qu'un autre de nos collègues lui signale que je me fous de sa gueule pour qu'il réalise que je fais effectivement partie de la conférence, toute munie de seins que je suis.

Je vous épargne les autres, ils sont dans la même veine.

Deux amies qui n'ont elles jamais participé à ce genre de rencontres (ou du moins pas dans cette communauté) ont elles aussi pris cette décision. « Je crois que j'étais trop idéaliste avant, je me disais que ce n'était pas nécessaire, que ce n'était pas en nous démarquant qu'on pourrait prétendre à être égales. Mais ça me fait tellement de bien, qu'on discute de ces choses entre nous. Et toutes n'ont pas la chance d'avoir d'autres femmes autour d'elles. »