Cinquante nuances de consternation
Gens de l'Internet,
Tu n'es pas sans ignorer que Madame Eugénie (c'est moi) et Pétronille du Beulogue (c'est elle) lisent pour l'excellente émission radiophonique Je m'ennuie bien (c'est là) le tristement célèbre Cinquante nuances de Grey (c'est... non, ignore, faisons semblant que ça n'existe pas).
Tiens, j't'en avais parlé là, déjà.
Il y a actuellement neuf épisodes, de quelques minutes à chaque fois, (que tu peux retrouver sur le site de l'émission).
Je ne te cache pas que c'est un chouïa le bordel.
En neuf épisodes, on a réussi à arriver à la rencontre des deux protagonistes principaux. Autrement dit, de mémoire, à la page 12. Sur plusieurs centaines. On va s'organiser, hein. Au moins suffisamment pour ne pas finir par vous lire l'intégralité de l'ouvrage. Parce qu'à raison de trois minutes par semaine, on sera mariées avec des gosses avant d'avoir fini (non). Pour l'instant, disons qu'on découvre ensemble. Histoire de poser les bases.
Je ne te cache pas non plus que ce n'est pas facile.
Moi, je ne sais pas trop comment je me suis laissée entraîner dans cette galère. J'ai fourni le bouquin (qui a été offert à ma mère, qui a failli le brûler au bout de cent pages mais c'était trop d'efforts pour une telle bouse), et c'est à peu près tout. Heureusement Pétronille bosse, elle. (D'ailleurs, la dernière fois que je suis passée chez elle, y avait le bouquin à sa bonne et due place : dans les chiottes.) Un coup de temps en temps je me pointe et on enregistre des trucs.
Principalement ma perplexité. Et ma consternation. Alternativement. Ou simultanément, d'ailleurs.
C'est mal écrit. On aurait pu y survivre. C'est vraiment très mal écrit. On se demande sans cesse si c'est la traductrice (mais à sa place, j'aurais moi aussi jeté l'éponge, de préférence dans une bouteille de cognac) ou l'original. Il paraît que comme ça avait tellement de succès brut de décoffrage sur le Ternet Mondial, ça n'a pas été édité. Je pense plutôt qu'il n'y a pas d'éditeur assez bien payé sur cette planète pour se coltiner la tâche.
C'est révoltant. Non pas les scènes de cul, parce que le cul, pour l'instant, moi j'ai encore rien vu (instant anecdote : tout à l'heure, dans la rue, un chevelu crie dans son téléphone « Les scènes de cul, les scènes de cul, tout le monde me parle que des scènes de cul, mais j'y suis pas arrivé, moi, aux scènes de cul ! J'ai lâché l'affaire avant ! » You and me both, baby.). Mais le fait que je sois censée, moi, lectrice, m'identifier à une narratrice aussi peu inspirante qu'Anastasia Steele, une femme qui a tellement peu d'estime de soi et se fait tellement marcher sur les pieds (dans le meilleur des cas) qu'on dirait une caricature. Et le fait que je sois censée, moi, lectrice, tomber raide dingue de Cricri Grey qui, de ce que j'en ai vu jusqu'à présent, est un connard veule et fini. Je te donnerais bien des détails pour appuyer mes dires, mais je ne voudrais pas te spoiler les chroniques. Mais laisse-moi te dire, j'ai été dans une relation abusive, il y a longtemps, et je trouve pas ça cute du tout, cette dynamique.
C'est chiant. Parce que côté intrigue, pour l'instant, c'est pas exactement Rocambole, en termes de rebondissements.
C'est donc dur, c'est très dur, et le premier qui pense that's what she said se trompe lourdement, hélas. Mais putain, qu'est-ce qu'on rigole (un peu jaune parfois) ! Et nous poursuivons donc, dans la bonne humeur, copieusement arrosées de thé et/ou l'alcool, notre pénible ouvrage : lire 50 Nuances de Grey pour que tu n'aies pas à le faire. Rendez-vous donc tous les mardis sur Je m'ennuie bien entre 19h et 20h, sur les Vendredi-kiki du Beulogue qui sont parfois le mercredi parce que c'est l'ANARQUIE, cet empire, et sur Twitter où on se souvient parfois d'achetaguer #RrrRrouuuu (ou une variante, parce qu'on est hyper douées en marketing) voire #50nuances.
Par contre, ne comptez pas sur nous pour aller voir le film.