On pourrait y rajouter celle des violences faites aux femmes (pour en comprendre un peu les mécanismes, voir par exemple cette terrible collection de témoignages, attention, ça appuie sur plein de boutons type maltraitance, violence psychologique et physique, et abus divers) ou l'inacceptable abandon par la République de ses écoles dans les « quartiers » (lu et approuvé par un ami qui y a travaillé, dans les « quartiers »), mais ce serait s'égarer.

Ou peut-être pas, car dans ma Grande Théorie du Tout, de la Culture, de l'Éducation, de l'Accès aux Soins et de la Justice pour Tous, tout est lié.

Oh, et la Turquie et la Russie et la Syrie aussi, et mon collègue qui dit en ouvrant le journal « tu sais, ce qui m'a toujours frappé dans les récits de gens qui ont vécu la Seconde Guerre Mondiale, c'est à quel point les gens ne voyaient rien venir ». Mais ça, je ne sais pas trop quoi en penser, parce que sur le sujet j'ai surtout vu la dernière Une du Point et que ça ne compte pas vraiment comme de l'information.

Je ne sais même plus quoi dire. Jamais je n'avais eu autant envie de vomir en allant voter. Je ne suis plus sûre de savoir à quoi bon. Dans la région d'où je viens, 40% des intentions de vote vont à une candidate FN d'une stupidité crasse ; dans celle dans laquelle je vote, une candidate qui s'imagine qu'elle peut contrôler l'accès des gens aux transports en commun en fonction de leur casier judiciaire (et qui s'imagine que si elle le pouvait, ce serait une bonne idée) est en tête ; par ailleurs, le dernier bulletin PS que j'ai mis dans une urne m'a ramené le gouvernement actuel, qui m'a l'air d'avoir autant de principes de gauche qu'un pigeon. Boiteux, le pigeon.

D'après le test des Décodeurs du Monde, j'émets 67% moins de CO2 que la moyenne nationale. Et on parle de particuliers. Je peux encore baisser ma consommation d'eau, de chauffage, d'électricité, je le sais. Mais qu'est-ce que ça peut bien faire quand on continue de subventionner l'industrie du pétrole, d'introduire des taxes que les entreprises se contentent d'intégrer à leur budget parce que ça leur est quand même bien plus commode que de rejeter moins de carbone, quand la France propose de filer deux milliards d'euros au continent qui souffre le plus du réchauffement climatique dont il est largement moins responsable que nous. Deux milliards d'euros, c'est la dotation de deux Idex. Pendant ce temps, EDF annonce sur des putain de panneaux lumineux qu'on est tous ensemble à viser l'objectif 2°C. Là encore, je suis d'une impuissance crasse.

Et pareil face à notre gouvernement, ses infractions avérées et assumées aux Droits de l'Homme. Et je ne parle même pas de la stigmatisation sans cesse renouvelée des étrangers, des autres, des réfugiés. J'ai bien conscience de ne pas être dans la pire des dictatures. J'ai bien conscience de ne pas être sous Vichy. J'ai quand même le sentiment que tout ça sent mauvais, très mauvais. Et si je suis capable de me joindre à une manif organisée par d'autres, de signer une pétition lancée par d'autres, je ne sais pas les organiser, les lancer, les faire circuler. Je ne sais pas prendre les armes, quelle que soit leur forme.

Je ne sais que parler et écrire, maladroitement, et partager les écrits de ceux qui le font mieux que moi et racontent des choses qui dépassent mon petit horizon.

Des textes sur les violences policières, qui sont loin d'être nouvelles, mais qui ne se sont pas arrangées dimanche dernier, alors que des gens manifestaient pacifiquement et que des gens détruisaient le mémorial aux victimes des attentats du 13 novembre et que d'autres gens tapaient sur encore d'autres gens. J'ai appris assez tôt à soupçonner les casseurs d'être des flics en civil venus créer un prétexte pour disperser les manifs (même si je ne doute pas que l'espèce humaine soit assez crasse pour produire de vrais casseurs, à la seule solde de leur personne) ; il semblerait finalement que désormais on se contente d'arrêter les manifestants pacifiques plutôt que les fouteurs de merde. Le tout dans un respect de ce qu'on attend d'un État de Droit plutôt aléatoire[1]. Et puis ces violences policières, est-ce qu'on y fait plus attention maintenant ? Toujours est-il qu'on en prend note.

Des textes sur l'état d'urgence. Je l'ai dit et redit, mais je le redis encore : pour moi le seul intérêt de ratifier une convention de respect des Droits de l'Homme (par exemple, la CEDH), c'est de ne pas y déroger quand tout d'un coup ça nous arrange. C'est là pour servir de garde-fou, pour dire « Stop ! On arrête tout on réfléchit » avant de se lancer tête baissée dans des conneries monumentales. Là, Human Rights Watch tire la sonnette d'alarme. Amnesty aussi.

Mais ne nous leurrons pas, place Beauvau on est bien contents d'avoir un état d'urgence qui sert au-delà du terrorisme, de se dépêcher de réécrire la constitution, et d'envisager de prolonger ledit état d'urgence au-delà de trois mois. Voir par exemple la série de tweets d'Adrienne Charmet sur un entretien avec Thomas Andrieu, Directeur des libertés publiques et des affaires juridiques au Ministère de l'Intérieur.

La Quadrature du Net propose une infographie qui résume assez bien tout ça, et au final, je n'ai pas grand chose de plus à dire que Pétronille, et Pétronille elle dit mieux que moi. (Pétronille elle est un peu magique parce que quasiment tout le temps elle pense comme moi alors qu'on s'est même pas consultées. C'est parce qu'on regarde la même étoile.)

Heureusement, il nous reste le Grand Jeu du Dictionnaire sur Je m'ennuie bien. Dernier épisode en date : Plouf le palmier.

Et les librairies, dans lesquelles je passe des heures à choisir des mots à lire et des mots à offrir depuis le 13 novembre.

Note

[1] Je te recommande chaudement de t'abonner à Mediapart si ce n'est pas déjà fait.