Leçon numéro 1 : Avoir un comportement non-professionnel. Le but est de mettre tout le monde vaguement mal à l'aise et d'instiller le doute.

  • Porter une chemise entrouverte. Jusqu'au nombril.
  • Manger des céréales pour petit-déjeuner à même le paquet dans son bureau, en en foutant partout, sans jamais nettoyer.
  • S'affaler (ne jamais s'asseoir sur une chaise : s'affaler) sur sa chaise de bureau balancée en équilibre contre le mur derrière, les pieds sur le bureau.
  • Dans une réunion, s'affaler sur sa chaise de sorte que seule une tête et un bras dépassent de la table.
  • Amener sa planche de surf au labo.

Leçon numéro 2 : Être désagréable avec les autres membres du labo (surtout les plus anciens). Le but est de s'aliéner, rien que sur le plan personnel, toutes les collaborations potentielles et de s'assurer d'avoir tout le monde contre soi quand Advisor se demandera si vous êtes bien intégré au groupe.

  • Attaquer les gens sur leur nationalité ou leur vie privée. Dire au thésard Libanais que « géographiquement, le Liban ne devrait même pas exister ». Dire à la thésarde Française que la tour Eiffel est un truc moche et qu'elle devrait avoir honte de l'avoir prise en photo et de l'avoir mise sur son bureau. Faire savoir au copain Allemand qu'il devrait avoir honte de son pays (à cause de la Seconde Guerre Mondiale et du nazisme, évidemment[1]). Finalement, affirmer qu'à moins de 40 millions d'habitants, un pays ne devrait pas être considéré comme un pays. (Au passage, appeler « état » au lieu de « pays » les membres de l'Union Européenne est toujours de bon goût. Faire le tout de préférence devant une Suédoise, un Libanais – précédemment cité si pas d'autre disponible ‒ et, plus généralement, des gens avec trois neurones connectés et un esprit vaguement ouvert.)
  • Attaquer les gens sur leurs goûts, leurs opinions et leur vie privée. Insulter tous ceux qui ne partagent pas votre avis sur, au choix, la grandeur de Disneyland. Faire des remarques déplacées sur la sexualité des Asiatiques au post-doc qui a épousé une Japonaise. Être radicalement conservateur (le milieu universitaire ayant tendance à être un peu plus à gauche qu'ailleurs) et insulter les gens qui ne partagent pas ce point de vue alors qu'ils n'ont même pas commencé à être désagréable. Faire savoir haut et fort ses intentions de vote en ajoutant que ceux qui ne les partagent pas sont de fieffés imbéciles. (Cerise sur le couscous : annoncer « comme je suis un bon Républicain, je vote pour le projet xxx » quand tout le monde sait que 1. le projet xxx est plutôt de nature Démocrate et 2. le parti Républicain appelle à voter contre lui.)
  • Abreuver des gens à peine rencontrés de détails personnels et embarrassants (parler, par exemple, de sa mère castatrice et de son père perfectionniste, ou l'inverse, j'ai oublié, est toujours du meilleur effet).

Leçon numéro 3 : Poser des questions stupides constamment. Le but est d'établir son incompétence aux yeux du plus de monde possible.

  • En plein milieu d'une réunion, demander à Advisor s'il a déjà entendu parler du classificateur naïf de Bayes[2], ça a l'air vachement puissant.
  • Poser des questions qui n'ont aucun sens mais contiennent plein de mots-clés qui sonnent bien.
  • Systématiquement poser les deux mêmes questions en toutes circonstances (par exemple, « Mais quel est le modèle mathématique sous-jacent ? » et « Quel rapport voyez-vous avec la bioinformatique ? »), quel que soit le contexte. De préférence s'il ne s'y prête pas, en fait.

Leçon numéro 4 : Irriter les collègues de son directeur de thèse

  • Assister à tous les séminaires, affalé sur une chaise au premier rang, chemise ouverte, le cheveux long, gras et emmêlé (yummy), et interrompre l'intervenant à coup de questions mineures. Veiller à ce qu'elles n'aient jamais, jamais un intérêt quelconque, et de préférence à ce qu'elles n'aient pas de rapport avec l'exposé. Dans la pire des impasses, une question sur la forme (« Pouvez-vous revenir sur votre notation et la différence entre les lettres majuscules et les bas de casse ? », de préférence si les notations utilisées sont standard et que tout le monde dans l'assistance sait ce que représentent les majuscules et les minuscules) fera l'affaire.
  • Être un élève insupportable, qui pose des questions sans rapport avec le sujet en plein milieu d'un cours, donner des présentations deux fois plus longues que le temps imparti et tout aussi bien hors-sujet que bourrées d'erreurs.
  • Importuner tout le département avec un projet voué à l'échec[3].

Leçon numéro 5 : Faire preuve d'immaturité

  • Balancer un stylo à la tête d'un autre élève, pendant un cours, pour une raison encore inconnue à ce jour. (Veiller à ensuite disparaître du paysage tant que ledit élève fulmine encore dangereusement).
  • Se vanter de ses conquêtes féminines (même et surtout si personne n'en n'a jamais vu la queue d'une, si je puis m'exprimer ainsi).
  • Sauter sur toute occasion de faire savoir à tous l'âge auquel on a perdu sa virginité est un moyen sûr de passer pour un lycéen.
  • Boire alors qu'on ne tient pas l'alcool est toujours, toujours bienvenu.
  • Lorsqu'un collègue devient désagréable (on se demande pourquoi), lui faire sérieusement savoir qu'il n'a désormais plus aucune chance de travailler avec Dr. Père (le collègue en question, dans son inculture crasse, peut ne pas savoir que ledit géniteur est quelqu'un d'important, ne pas se gêner pour le rappeler, afin de donner toute son ampleur à la menace).
  • Se trouver très malin de faire partager à la seule femme du labo des stupidités sexistes.
  • Rigoler grassement dès qu'un mot ayant un rapport lointain avec la sexualité est utilisé. Les occasions ne manqueront pas dans un domaine ayant le moindre rapport avec la biologie.

Leçon numéro 6 : Faire définitivement preuve de son incompétence à ceux qui ne faisaient que la soupçonner

  • Être incapable de trouver des renseignements simples (en utilisant un moteur de recherche, par exemple).
  • Prendre une métaphore à usage unique pour un mot-clé du domaine d'étude est toujours efficace pour semer la confusion et embarrasser les collègues.
  • Poser des questions qui n'ont rien à voir avec le sujet, encore et toujours.
  • Analyser de travers chaque résultat obtenu. Ne pas s'interrompre quand Advisor tire la gueule, s'obstiner plutôt.
  • Après quatre mois passés à s'éparpiller dans toutes les directions sans produire un seul petit bout de quelque chose de valable, s'offusquer quand Advisor exige un peu de concentration sur un seul projet et demande des résultats.
  • Plomber toutes les collaborations obtenues avant d'avoir été trop désagréable en mettant des bâtons dans les roues de tout le monde. Refuser de partager des données, organiser des réunions dans le dos de certains collaborateurs (en leur faisant porter la responsabilité de leur absence, bien évidemment), juger indignes de son temps des réunions sans professeur, ne tenir compte d'aucune des politiques et outils de collaboration mises en place par le labo sont un bon début.

Leçon numéro 7 (peaufinage) : Faire de la lèche à outrance

  • Appeler les hommes Sir et les femmes Madam, pourvu qu'on les estime plus haut placés que soi dans la hiérarchie (ne s'applique donc pas aux autres doctorants, aux post-docs et aux techniciens). Appeler les titulaires d'un doctorat Professor, même s'ils ne le sont pas, sauf dans le cas où ils sont des elles, et où Madam suffira amplement. Ah, et sauf s'ils sont des post-docs, évidememnt.
  • Plus généralement, employer un langage ampoulé alors que les consistances ne s'y prêtent pas.
  • Adopter une attitude obséquieuse avec chacune des personnes sus-cités (surtout si elles sont des hommes). Noter que cela n'empêche pas d'appliquer les conseils des leçons précédentes, mais au contraire renforce leur effet.

Bonus track : En arrivant dans le labo, offrir une bouteille d'une vinasse pas chère (cheap-ass est le mot qui vient à l'esprit) à son directeur de thèse. S'offusquer lorsque 8 mois plus tard, après avoir refusé de continuer à diriger quoi que ce soit ayant un rapport quelconque avec vous, il retourne ladite bouteille à la communauté en la déposant sur la table de la cuisine. Juste en face du bureau où l'on est en train de se prélasser.

PS. « Asperger », qui a dit « Asperger » ? Ah mais Asperger n'excuse pas tout... surtout pas l'incompétence.

Notes

[1] Les Américains n'ayant jamais, par exemple, eu d'esclaves ou pratiqué la ségrégation à outrance.

[2] Pour ceux qui ne seraient pas versé en la matière, sachez que « naïf » est un des mots clés de cette phrase. Une analogie possible serait de demander, alors que vous êtes apprenti chef chez Paul Bocuse, s'il a déjà entendu parler de la cuisson des œufs durs, ça a l'air formidable, cette affaire de les laisser dix minutes dans l'eau bouillante.

[3] attention, un indice sur la nature du projet se cache dans cette qualification... Deep Blue, quelqu'un ?