Thank You, America.
Je me suis réveillée la bouche pâteuse, un horrible sentiment de fierté pointant dans le cœur, un rire sardonique. J’ai ouvert mes volets violemment. Ils se sont abattus sur le mur puis m’ont claqué dans la gueule dans un retour à l’expéditeur digne du meilleur des boomerangs.
Bordel.
En reculant, je me suis pris les pieds dans la table de chevet. Évidemment. Quatre heures du matin. Quatre heures du matin ! Des années que je n'avais pas aussi mal dormi en raison d'une excitation quasiment puérile, comme une gosse à la veille de Noël. Et il fallait qu'en plus je me mette à faire des cauchemars. Rêver que c'était finalement John McCain qui allait prêter serment... quelle idée.
Je me suis docilement recouchée, il restait encore deux heures avant que le réveil ne sonne et elles ne seraient pas de trop.
Et à huit heures j'ai retrouvé la bande au pub étudiant. Muffins et café gratuits, formules petits déjeuners et mimosa à $2, toutes les télés sur CNN avec le son. Je pourrais vous raconter en détail, comment on a applaudi à s'en rompre les mains, surtout quand l'hélicoptère qui débarassait le plancher de la famille Bush a décollé, comment on a hué Rick Warren, l'obséquieux pasteur homophobe qui a fait le premier sermon, comment le chapeau d'Aretha Franklin (qui a chanté My Country, 'Tis of Thee, cf. mon billet d'hier pour l'histoire de cette chanson) roxait des ours polaires, comment je suis surprise que les doigts d'Itzhak Perlman et de Yo-Yo Ma ne soient pas tombés raides de froid, comment j'ai eu envie d'étrangler la personne qui a annoncé « Barack H. Obama » de peur de prononcer « Hussein », comment Elizabeth Alexander a massacré son propre poème en le lisant de la pire façon qui soit, comment Obama a inclus jusqu'aux non-croyants dans son discours.
Mais ce que je retiendrai de cette journée, c'est qu'un voile vient de se lever sur les années négatives, suscpicieuses et centrées sur la peur dans lesquelles étaient plongés les États-Unis depuis le 11 septembre 2001 ; qu'un président porteur d'espoir, au message positif, est à la tête du pays. Nous, les enthousiastes, ne sommes pas dupes : rien ne va changer du jour au lendemain et Obama n'est pas un magicien. Que les plus cyniques (dont je ne fais, pour une fois, pas partie) se gaussent ; mais si on ne commence pas par y croire un peu et que l'on préfère rester les bras croisés à se morfondre que le pouvoir, tous des pourris, les Américains, tous des beaufs, les fans d'Obama, un tas de beaux-rêveurs qui vont bientôt tomber de haut... on prend la voie la plus facile, et on est bien certain de ne rien améliorer du tout. D'ailleurs, ces mêmes cyniques ne disaient-ils pas qu'on se mettait le doigt dans l'œil si l'on pensait qu'Obama puisse être élu président ?
(Et aussi, en vrac : il est noir, enfin, métis ; il est Démocrate ; il est cultivé ; il sait parler.)
Here's to you, President Obama.
Ce qui conclut le neuvième et dernier grain de sable des sabliers givrés organisés par Kozlika, sur une amorce choisie par Mavie, en provenance du billet Tout est vrai d'Anna de Next Exit.