Ce jour-là – était-ce dans une conférence, au beau milieu d'une réunion de labo, au cours d'un déjeuner avec des collègues, ou après des heures passées devant ma machine ? – j'ai décidé que j'avais trouvé mon plus beau métier du monde. J'avais déjà eu le sentiment d'avoir trouvé ma voie, mais jamais il ne m'était apparu plus clairement à quel point je me sentais prête à faire ça et à me battre pour y arriver. Un jour, j'ai réalisé que ma vie professionnelle se ferait dans des laboratoires de recherche (préférablement universitaires) ou se ferait probablement sans enthousiasme ni succès, par désintérêt, désillusion, regret et amertume. (Je sais bien que si toutes les portes se fermaient d'un seul coup, je trouverais une autre occupation – mais avec quel plaisir ?)

Voilà pourquoi je m'obstine.

Voilà pourquoi je gagne un peu moins de mille quatre cent dollars par mois au lieu de mettre à profit mon diplôme d'ingénieur pour en recevoir plus du double. Voilà pourquoi je travaille souvent le soir, parfois le week-end, et aussi un peu pendant mes vacances. Voilà pourquoi je persévère tout en connaissant l'état de la recherche publique en France. Voilà aussi pourquoi parmi une panoplie de sujets fort intéressants, je suis ravie d'avoir fait le choix de me pencher sur les choses à la mode, celles qui délient les bourses des instituts de financement, celles qui intéressent parfois les industriels[1].

Parce que le jour où j'ai décidé que je ne lâcherai pas ce morceau, j'ai relevé la tête et je suis devenue grande.

Participation au Sablier du printemps (amorce 8).

Màj hommage : L'amorce provient d'un billet de Traou.

Notes

[1] Et aussi parce que guérir des maladies, c'est assez noble, comme but. Tant qu'à faire mumuse avec des ordinateurs.