Why I Care
Je sais. Je vous saoule avec la campagne présidentielle américaine. C'est devenu mon sujet de conversation principal avec environ quatre-vingt quinze pour cent des gens que je fréquente et AmRhaps n'y échappe certainement pas. Je lis énormément d'analyses et regarde beaucoup plus d'extraits de commentaires politiques télévisés qu'à l'habitude (qui frôle le zéro), et pas seulement parce que j'ai une vie sentimentale troublée (ah bah j'avais qu'à pas tomber amoureuse d'un type avec lequel je n'ai pas envie de finir ma vie aussi, hein, et si les deux vous semblent contradictoires, vous êtes soit plus sagaces soit moins exigeants ou imaginatifs que moi) et qu'il faut bien que je m'occupe le neurone entre deux rounds contre les petites molécules.
Pour commencer, je trouve ça très intéressant. Les mécanismes et rouages de cette campagne me fascinent. Les questions en jeu aussi pour la plupart d'entre elles, mais ce n'est pas vraiment autour d'elles que tourne la campagne.
Cela ne cesse de me captiver. On insiste sur la personnalité des candidats, leur proximité avec le bas peuple. On fait des campagnes visant à discréditer l'adversaire en le roulant dans la boue, quitte à mentir éhontément (voir par exemple le dégoutant clip de campagne Républicain qui est à la limite de présenter Obama comme un pédophile parce qu'il a approuvé un projet de loi visant à éduquer les enfants sur la question des prédateurs sexuels). On passe une semaine entière à s'envoyer des piques sur des histoires de rouge à lèvre (en utilisant l'expression américaine courante « si l'on met du rouge à un cochon, c'est toujours un cochon », Obama a-t-il fait allusion à Palin ? Si oui, McCain en la faisant sienne quelque mois auparavant a-t-il fait allusion à H. Clinton ? Débat oisif que l'on aimerait réglé par la couverture de Christ Matthews). Même Karl Rove, qui n'est plus à une entorse à la vérité près, trouve que ça commence à bien faire.
On joue sur le sentimental, notamment en servant le 11 septembre à toutes les sauces, et va savoir comment sachant que c'étaient eux au pouvoir pendant et que depuis, en sept ans, ils ont réussi à arrêter le chauffeur de Ben Laden, ce qui parait-il envoie un message fort au monde, je sais pas moi, un message d'incompétence peut-être, c'est les Républicains qui exploitent le mieux le filon. J'en dirais bien plus sur le sujet, mais Keith Olbermann le fait tellement mieux que je ne le pourrais que j'ai envie de l'embrasser.
De temps en temps quelqu'un essaie de recentrer le débat, mais si la personne en question a aussi le malheur d'être une célébrité comme Matt Damon le parti Républicain s'empresse de te rétorquer que qu'est-ce que c'est que ces gens du show-biz qui se croient compétents pour parler de politique, on voit bien que c'est un coup des Démocrates, d'ailleurs qu'est-ce qu'ils ont tous ces citoyens américains à vouloir se mêler de ce qui ne les regarde pas et parler de choses qu'ils ne peuvent pas comprendre ? Note cependant que ce sont les Démocrates, avec leur noir intello premier de la classe, qui prennent l'Américain moyen pour un con, pas les Républicains.
Par ailleurs, pendant que les partisans d'un côté ou de l'autre s'engagent dans des débats sans fin qui n'intéressent finalement qu'eux-même et se demandent comment convaincre au mieux les électeurs indécis, il ne s'agirait pas de perdre le nord et d'oublier que le système électoral n'étant pas direct, il y a des comtés et des états qui comptent plus que d'autres ; ce sont les états violets, ceux qui balancent entre le rouge Républicain et le bleu Démocrate (cette inversion des couleurs par rapport au système français ne cesse de me perturber). C'est sur eux qu'ils faut concentrer son énergie, et redoubler d'imagination pour faire pencher la balance. C'est ainsi que le Michigan Messenger reporte que le parti Républicain compte prendre la main sur le comté de Macomb en refusant le droit de vote aux électeurs dont la maison a été saisie, argüant que leurs occupants ne sont plus de « vrais résidents ». (Notons que cette histoire est controversée mais que le Michigan Messenger a refusé de se rétracter malgré les demandes du parti Républicain.)
Je crois que je suis devenue accro à la politique américaine comme tant d'autres à la télé-réalité : je sais que c'est bas, que c'est du spectacle, que ça ferait parfois rougir des écoliers en termes de maturité, mais je ne peux pas m'empêcher d'en redemander et de regarder, ébahie, de nouvelles absurdités défiler apparaitre sans cesse sur l'écran de mon ordinateur. Fascinée par les rouages complètement pervertis (par rapport à ce que l'on serait en droit d'attendre) d'une campagne électorale qui ne vaut pas forcément mieux que celle d'une élection de délégués de quatrième (sauf qu'en quatrième, personne ne veut être délégué, alors que pour la Présidence, ça se bouscule au portillon).
Captivant, donc. Mais surtout, surtout, important.
Important parce que j'y vis (et que ça va encore durer aux alentours d'un an après la mise en service l'arrivée au pouvoir du prochain Président). Je n'ai peut-être pas le droit de vote, mais les décisions politiques m'affectent néanmoins, très directement en ce qui concerne la situation économique pathétique du pays[1], les impôts, la santé, un peu moins directement en ce qui concerne les ours polaires (bien que je ne trouve pas ça très sympa, de leur dézinguer leur banquise, et que ne serait-ce qu'en tant asthmatique, je trouverais ça chouette de réduire un peu la pollution automobile) et le rayonnement mondial américain (dont je me fous comme de ma troisième paire de chaussettes).
Mais c'est aussi important en raison du rôle central des États-Unis dans le monde. C'est bien pour ça qu'on en parle partout — alors que vous le saviez, vous, qu'y a des élections bientôt au Canada ? Même si je suis loin d'en comprendre tous les mécanismes (j'avoue, dès qu'on commence à parler de fric, je m'endors, pourtant c'est essentiel, l'économie, mais je préfère finalement laisser ça à ceux que ça intéresse plus que moi, ils ont moins de chances de saloper le boulot, d'ailleurs un jour je comprendrai peut-être le principe de la Bourse — non pas comment ça marche, mais plutôt pourquoi des gens sains d'esprit voudraient se mêler de cette affaire), il est évident macro-économiquement parlant que la situation des États-Unis a un impact un peu partout ailleurs, notamment en Europe et que l'Europe ça me concerne aussi.
Et aussi à cause de la guerre. Ou des guerres. Pas tellement à cause des déclarations farfelues de Palin, qui ne rejette pas l'hypothèse d'une guerre avec la Russie ; j'ai la candeur d'espérer qu'une armada de conseillers en sueurs (voire de membres du FBI et de la CIA réunis) l'empêcherait, le cas échéant, de déclencher une guerre nuculaire nucléaire. Mais parce qu'alors qu'Obama a l'intention de se retirer d'Irak, McCain, lui, compte y rester cinquante ou cent ans, le temps qu'il faudra. Qu'il faudra pour quoi, je ne sais pas, j'ai renoncé il y a longtemps à comprendre ce que signifiait le terme de « victoire » en ce qui concerne la guerre d'Irak. Par ailleurs, McCain bien que de l'Arkansas semble avoir fait sienne la devise texane de tirer d'abord et poser des questions ensuite, favorisant généralement la voie militaire à la voie diplomatique, et s'apprêtant à bombarder l'Iran. Et ça, moi, ça me fait peur.
Notes
[1] A ce sujet, sachez que ça licencie à tour de bras dans les grandes compagnies employeuses d'ingénieurs ultra-qualifiés, dans le coin. Plutôt parmi les gens les plus expérimentés, ceux qu'il faut payer le plus cher.