L'Amérique, l'Amérique, je veux l'avoir, et je l'aurai
Notez, je vous prie, que j’aurais résisté longtemps avant de finalement céder sur un malheureux coup de tête hier soir dimanche, aux alentours de minuit. Sauf que hier soir, même dans ma chambre à coucher aux alentours de minuit, on était déjà lundi-qui-s'étire-en-mardi, et que ma résistance n'a jamais été qu'officielle et polie ; au fond, je n'ai jamais refusé de me laisser entrainer, et si coup de tête il y a eu, c'était plutôt une vague de y-en-a-marre-alors, probablement provoquée par un mélange de manque de sommeil et de douleurs lombaires (qui me mettent toujours d'humeur fort badine), et il n'y a guère que la décision de me livrer à cette annonce qui relève de l'impulsion. Cependant, je ne pense pas qu'attendre le dimanche 6 avril entre midi et treize heures y aurait changé quoi que ce soit.
Car sachez que j'ai fermement l'intention de continuer ma vie aux États-Unis.
Ça relève quasiment des conditions générales de vente de mon doctorat en Californie, finalement, de rester ici. Une fois qu'on a goûté à la générosité du système universitaire américain, que l'on a eu un aperçu du processus de recrutement des enseignants-chercheurs, que l'on a fait partie d'un labo bénéficiant de financements réels, on n'a pas vraiment envie de retourner prendre la poussière sur un coin de table d'un pauvre labo de recherche français, avec tellement peu de ressources qu'on passe son temps à bidouiller (façon « je démonte et remonte un ordinateur entièrement au tire-bouchon ») et des postes très disputés dans des labos qui ne font aucun effort pour séduire leurs futures recrues.
Et puis, le système est plutôt souriant pour les enseignants-chercheurs, aux États-Unis. Le salaire n'est pas bien élevé, mais les bénéfices annexes (couverture santé, logement à bas loyer, parfois même crèche pour le petit Xave et la petite Isolde) sont loin d'être négligeables ; et puis c'est ici que sont tous les pontes, les virtuoses du nombre pi, les Grands Scientifiques... Il est plus facile d'avoir l'occasion d'assister à un séminaire donné par Stephen Hawkins quand on vit à une heure trente de route de CalTech plutôt qu'à une journée et demie. Il est plus facile de faire carrière, d'entretenir des collaborations fructueuses, de prendre part à de nombreuses conférences (et de bénéficier par la même occasion du luxe de confortables chambres d'hôtel en tons parme), bref, d'être reconnue en restant sur le continent Américain.
Par ailleurs, la présidence actuelle n'est pas de nature à me donner envie de rentrer dare dare dans les bras de l'accueillante Mère Patrie, et il faut bien croûter, que diable. Sans parler du fait que j'adore parler anglais.
Me voilà donc décidée à rester indéfiniment expatriée.
Participation croisée au Sablier du printemps (amorce 9) et au Dis-moi dix mots. Et poiscaille d'avril, bien évidemment, par la même occasion. J'ai toujours aussi fermement qu'avant l'intention de me rapprocher le plus possible de Paris après ma thèse et au cours des années qui suivront. Je ne change pas d'avis comme de chaussettes, moi, monsieur, et en plus j'ai la résistance – et l'obstination – tenaces.
Les gens, ne m'étranglez pas par pitié. Non seulement j'ai un humour lamentable mais en plus j'ai encore parlé de tire-bouchon. Padon ?
Màj hommage : L'amorce provient d'un billet du blog de Colin Ducasse