Ma vie en puces
(Puces de liste à puces, pas micro-vampires à animaux de compagnie ‒ et humains accessoirement. Quoi que.)
Avec plein de choses dedans que je n'ai pas vraiment le temps de présenter autrement.
Ah et sans puces aussi. Ça craint, les puces, finalement.
Le fil RSS est tout cassé. Le fil atom itou. Le fil atom plus que le fil RSS, apparemment. Je soupçonne un problème de base de donnée et ai autant envie de m'y atteler que, disons, de dîner en tête à tête avec notre chef de la République de la France à nous qu'on a, oui, celui qu'une fois libéré de leurs inhibitions à critiquer ton pays, les non-Français te disent tous que c'est un peu un charlot, quand même, à se prendre pour une célébrité plutôt que pour un président, et là tu commences à comprendre ce que ça leur fait, aux Américains, que tout le monde pense que leur président est un gros con.
Les employeurs, c'est chiant. Si tu as un joli diplôme (et que tu t'apprêtes donc à leur couter cher), ils veulent aussi que tu aies de l'expérience. Comment tu fais pour l'acquérir, cette expérience, vu que personne ne veut t'embaucher, va savoir. Mais toujours est-il que le Blondinet n'a toujours pas de boulot. Essaie donc voir de passer un entretien d'embauche qui dure la matinée avec tout plein de gens différents, de te faire assurer à chaque étape que tu colles parfaitement, d'en arriver au point où on te montre où c'est qu'il faudra aller en arrivant ton premier jour et où on discute gros sous avec toi, et de recevoir deux jours plus tard un appel qui te dit que finalement, on a donné le poste à quelqu'un de plus expérimenté, et toi aussi tu auras les nerfs.
Mon assurance santé (payée par ma bourse) a vaguement changé en septembre 2007, à savoir que la filiale qui s'occupait de nous a été rachetée par une autre boîte, époque à laquelle on nous a dit que non non les contrats c'était tout pareil rien ne changeait on était couverts pareils. Bon ben en fait on était plus couverts pareil (et je te jure que j'ai essayé de savoir précisément, mais qu'après d'infructueux efforts j'ai connement renoncé alors que jamais, tu ne m'entends, jamais il ne faut rien céder à une compagnie dont le but sur terre est de t'emmerder jusqu'à la gauche, non, tu peux y perdre des heures de sommeil, ta voix et ta santé mentale mais ils ne doivent rien en savoir et surtout, tu dois obtenir l'information au final, sinon tu es foutue, ma vieille, complètement foutue). Comme par là-dessus ils prennent environ trois ou quatre mois à traiter le moindre bout de papier, afin que tu puisses bien profiter de tout ce délai pour ne pas savoir ce qui se passe et faire des bêtises à leur profit, hop, pendant que je me disais « Bah, ce sera comme l'année dernière », onze séances non remboursées. C'est un merdier sans nom dont j'essaie de me dépatouiller depuis plus d'un mois, pour en arriver à la conclusion que je me passerai de ces soins jusqu'en septembre où mon contrat d'assurance sera renouvelé, vu que je risque fort de passer l'intégralité de mon salaire de monitrice de la Statistique et de la Probabilité à payer ces onze séances. Si j'ai le courage je ferai un topo détaillé mit chiffres des joies du « je surcharge l'assurance tout en lui donnant une ristourne, et en retour elle essaie d'entuber mon patient afin de pouvoir me payer tout en se faisant des sous », tu verras, ça te donnera envie d'émigrer aux États-Unis tout de suite.
La science, ça donne des envies de meurtre, parfois. Comme quand tu te prends la tête avec ton co-auteur sur 0.3% des données que tu n'as pas utilisées alors que tu aurais pu, bien qu'il t'ait lui-même conseillé de t'en débarrasser il y a un an, et que cela ne change absolument rien aux conclusions de votre papier. D'ailleurs il ne le conteste pas. Il a juste peur qu'un des relecteurs ne vous démolisse à cause de ça. (M'est avis que les relecteurs ne vont même pas s'en rendre compte, et encore moins penser que c'est un problème, mais quand ton co-auteur est un grand black ceinture noire de karaté, et qu'en plus il a toujours eu un statut de sénior sur toi, il est difficile de lui dire d'aller se faire foutre et de te lâcher les Converses en attendant qu'Advisor revienne et arbitre le conflit).
La science, ça donne vraiment des envies de meurtre, parfois. Comme quand, tout en restructurant le papier de manière assez impressionnante (je suis admirative, je ne fais pas que de lui en vouloir, à ce type), ton co-auteur a complètement déchiqueté toutes les jolies phrases qui s'enchainaient bien et formaient de beaux paragraphes contenant chacun une idée principale que tu avais pondues à la sueur de ton front en galérant comme une malade parce qu'écrire un article scientifique en anglais, eh ben c'est carrément pas aussi facile que d'écrire un rapport en français (puis quand tu connais ma tendance aux longues structures alambiquées et aux idées qui partent dans tous les sens tu te dis que ce n'était déjà pas gagné, et tu n'auras pas tort, ceci dit, je suis très forte en écriture de rapport en français, demande à mes binômes successifs, quoi cette phrase est trop longue, tu veux un point, c'est ça?), complètement déchiqueté disais-je et transformées en un amalgame un peu foutoir de phrases grammaticalement correctes mais fort désagréables à lire (malgré ou peut-être un petit peu en raison de leur brièveté), et tiens le voilà ton point. Oui, ma phrase a un sujet et un verbe, regarde bien au début.
Les élèves, c'est choupinou. Ça te dit bonjour quand tu les rencontre au supermarché / dans les vestiaires du gymnase / à l'arrêt de bus, alors qu'au fond ça pourrait parfaitement t'ignorer ou te tirer la tronche. Ça continue de venir à tes TD, de moins en moins nombreux certes, et à participer un petit peu, afin de moins te donner l'impression de parler dans le vide, ça réchauffe le cœur. Parfois, ça répond même à tes questions rhétoriques, ce qui est assez admirable. Et, forcément, c'est vachement admiratif de la façon dont tu prononces « Poisson » (Poisson est un monsieur qui a inventé une distribution très prisée dans le monde de la Statistique et de la Probabilité, et non pas un animal. Sa distribution ne s'appelle donc pas « fish distribution » en anglais et nombre de non-francophones le regrettent. Si tu ne sais pas ce que c'est qu'une distribution, c'est pas grave, sauf si tu fais ton pain quotidien de la Statistique et de la Probabilité, et dis-toi juste qu'il s'agit d'une petite bête mathématique, mais pas un poisson.) Par contre, ça ne sait pas ce que c'est qu'un maximum. Je te jure. Tu leur parles de lancer un dé deux fois. Tu leur poses des questions sur le maximum des résultats des deux lancers. Ils te répondent sur la somme des résultats des deux lancers. Ou alors ils te demandent si c'est défini dans le cas où les deux lancers donnent le même nombre. Je te jure, c'est parfois difficile de ne pas taper ta tête contre un mur devant eux.
Je sers la science et c'est ma joie (et j'ai des lettres, aussi). Il n'empêche que quand à la fin de la journée, je me rends compte que je n'ai eu le temps de discuter avec personne (mon labo est vide, j'ai pas le temps de me connecter à mon pigeon, je ne sors pas le nez de mon écran d'ordinateur) et que la conversation la plus longue de la journée, je l'ai eue à la caisse du supermarché, je doute, un peu. Même que parfois des pensées farfelues traversent mon cerveau, et je me dis qu'enseignant-chercheur, c'est peut-être pas tellement ma tasse de thé, finalement. C'est pas que l'enseignement-recherche me déplaise, au contraire. C'est plutôt le fait que pour ne pas couler, il faille manifestement sacrifier toutes velléités de vie personnelle. (Après, c'est peut-être la perspective américaine, bosse ou crève, et tu voudrais un bon salaire, des jours de congés et une assurance santé avec ça ?)