Ah, l'été
Une fois que les nuages de l'aube sont éparpillés, le soleil brille, le ciel est bleu Provence, l'indice UV est scotché à « 10+, extrême », il fait chaud, les petits oiseaux chantent (et les corneilles aussi, saletés, même quand il y a des nuages, on n'a pas idée de croasser devant ma fenêtre à cinq heures du matin), et c'est parti pour durer comme ça pendant environ deux mois et demi sans une goutte de pluie. Bref, c'est l'été en Californie du Sud.
Ah, l'été. Des journées lascives, des grasses matinées, des après-midi à la plage, des Perrier-rondelle en terrasse... hmm, non, pas trop en fait. (Trouve moi un café pour commencer et on reparlera de ce Perrier-rondelle ensuite. Je ne sais même pas pourquoi je te parle de Perrier-rondelle, je préfère la Badoit et sans citron, mais ce serait chouette d'avoir la possibilité de siroter des Perrier-rondelle en terrasse. Ça ouvrerait la porte à toutes les fenêtres, y compris les menthe à l'eau, les demi-pêche et les blondes pression.)
C'est vachement bien, l'été, il fait chaud. Pas besoin de t'encombrer de vestes, pulls, et autres encombrants sweaters. Enfin, si, parce que le monde est cruel et l'homme a inventé l'air conditionné, et avec ça, la maléfique capacité à te forcer à te peler les fesses alors qu'il ne fait même pas froid. Il y a la climatisation gentillette, comme chez le Blondinet, qui est amoureux de son nouvel appartement avec air conditionné, et qui ne comprend pas pourquoi j'ai froid quand lui il se sent très bien. Peut-être parce qu'il est habillé en jeans et t-shirt comme tout le reste de l'année alors que je me trimballe en débardeur et jupette, ou alors parce que le machin me souffle de l'air froid directement dessus et que je déteste ça, ça me met de mauvaise humeur, t'as qu'à monter le thermostat et me filer la couverture si tu veux pas que je tire la gueule toute la soirée. Après il s'étonne que je lui pique la couette dans mon sommeil. Il y a aussi la climatisation coriace, comme dans les grandes surfaces. Un frigo géant, le bonheur. Tu mets un pied dedans et tu te dis « tiens, il fait frais, ça fait du bien » , tu mets le deuxième pied et tu t'exclames « mais ça va pas de faire si froid eh oh un peu » et tu enfiles ta veste amenée juste pour l'occasion.
C'est vachement bien, l'été, il fait chaud. Tu peux sortir les jupettes du placard, te trimballer vêtue seulement d'un léger bout de tissu... (enfin, quand je dis, bout, je me comprends, il a intérêt à avoir une bonne surface, le bout, je vis peut-être en Orange County mais j'ai quand même des principes. Et du gras qui ne regarde que moi.). N'oublie pas d'être présentable quand tu donnes un TD ou que tu accueilles des élèves dans ton bureau, quand même. C'était ce matin qu'il fallait se demander si ton haut n'était pas un peu trop transparent ou si on voyait trop tes jambes. Allez, va, range la jupette et mets un pantalon, veux-tu ? Pardon ? D'accord, un corsaire[1], si tu veux. Tu te démerdes si ça te fait une gracieuse silhouette de basset artésien obèse, hein, après-tout, tant que tu le sais dans ton for intérieur, que tu n'es pas courte sur pattes... De toute façon, tu vas crever de chaud et commencer à transpirer environ deux minutes et quarante-trois secondes après avoir collé un pied dehors, alors à quoi bon essayer ?
C'est vachement bien, l'été, il fait beau. Pas besoin de se demander s'il serait bien de prendre son parapluie, ni de tomber en dépression saisonnière parce que là, quand même, fait trop moche. Sauf que vu comment il cagnasse, le cagnard, tu passes ta journée à te tartiner de crème solaire et à te demander si tu as des chances de choper un coup de soleil (ou un cancer de l'épaule) à travers tes petites manches courtes. Résultats, tu pègues (la crème solaire ne colle pas, elle pègue[2]. Même si y a marqué sur le flacon qu'elle colle pas, qu'elle pègue pas, qu'elle laisse un voile sensation fraicheur sur tes frêles épaules, et que même pas tu as l'impression d'en avoir mis, je te garantis, si tu as l'impression de ne pas avoir mis de crème solaire, c'est que tu as oublié d'en mettre, point. Celle dans le tiroir de mon bureau promet une finition sèche et non-grasse, ah ben oui, comme la peau d'une adolescente en plein syndrome pré-menstruel.) Et tu sens la crème solaire. Pardon, tu cocottes la crème solaire. (Parce que pareil, la crème solaire qui ne sent pas, c'est encore une menterie publicitaire.)
C'est vachement bien, l'été, tout va plus doucement, on a plein de temps. Ce qui semble être une excellente opportunité de faire des cours qui durent six semaines au lieu de dix, mais avec le même contenu dedans ! Un peu comme les rouleaux de toilier papette, euh pardon, papier toilette, non je n'ai pas bu oh, eh, pas besoin de ça, les rouleaux de PQ, disais-je, maxi-format, ceux pour lesquels un rouleau est l'équivalent de deux, trois, quatre ! anciens rouleaux. Et après, tu ne peux plus les faire rentrer dans ton porte-papier-chiottes, ben voilà, les cours d'été en six semaines, c'est un peu pareil, tu bourres les crânes des élèves d'information et après ils ne savent même plus distinguer leur droite de leur gauche. (Au sens strict, hein, parce qu'au sens politique, je comprends qu'aux États-Unis on puisse être perdu. En France aussi remarque d'ailleurs.) Bon évidemment au départ y en avait une bonne poignée qui ne comprenait rien aux diagrammes patates (diagrammes de Venn qu'on dit ici) donc c'est, comment dire, pas gagné d'avance, la Probabilité et la Statistique.
C'est vachement bien, l'été, tout va plus doucement, on a plein de temps. C'est donc aussi le cas du mec qui n'a pas touché depuis huit mois à l'article que tu écris avec lui, qui se réveille et te bombarde de nouvelles idées et de nouvelles demandes, t'appelle à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit, en profitant du fait que tu veux tellement le sortir de ton système, ce papier, qu'il est hors de question de l'envoyer paitre. Comme en plus il est un monde (de douleurs, de souffrances, d'yeux qui piquent et d'ordinateurs qui valseraient dans la pièce si j'avais plus d'argent) entre des figures suffisamment claires pour être interprétées et des figures suffisamment chiadées pour être publiées, je m'amuse comme une folle. Tiens, rien qu'hier, je suis arrivée au labo à 8h30 et j'en suis repartie un peu après 19h, et à 22h, tu sais ce que je faisais, de chez moi ? J'éditais encore mes pauvres petites figures.
C'est vachement bien, l'été, tout va plus doucement, je vais avoir le temps de bloguer. Vachement, deux phrases par deux phrases, pendant que mon code compile tourne.