De temps en temps elle hoche la tête, songeuse.

Puis la conversation dévie, effleure un peu la politique, la situation pathétique dans laquelle se trouve le pays et économiquement et socialement parlant, l'espoir trop grand que les gens peuvent mettre dans Barack Obama, comme si tous leurs ennuis allaient s'envoler par magie le 20 janvier (jour de son inauguration). Je la prends à témoin : je n'aimerais pas avoir une si lourde responsabilité. Avez-vous, à ce propos, vu les dernières apparitions du grand GiBi dans la presse ? On ne sait plus s'il faut en rire[1] ou en pleurer.

On en vient bientôt aux considérations plus personnelles. La famille, les grands-parents qui se font vieux, les parents qui ne s'entendent plus aussi bien qu'avant. Les amis, ceux qu'on ne voit pas assez souvent. Et puis les garçons ; elle qui est mariée et heureuse dans son mariage, elle aime bien me faire parler des garçons qui me plaisent, même si je râle un peu trop qu'ils sont soit trop pris soit trop loin...

Et puis un coup sec à la porte. Je regarde ma montre, déjà une heure que je suis là ! Son mari passe la tête par l'entrebâillement de la porte, « les filles, ce n'est pas uniquement parce que j'en ai marre de bosser dans le salon et que j'ai une question pour K², mais il est 21h ». Elle se lève un peu abruptement, et ramasse son sac et ses clés. Je la serre brièvement dans mes bras, et lui dis au revoir : « allez, va jouer avec les cerveaux de tes souris, et prête un peu votre cabinet à ton mari ! »

« Ça », me dit son mari après que la porte se soit refermée sur elle, « c'est la raison pour laquelle nous devrions, chaque jour, nous réjouir d'avoir choisi de faire une thèse en informatique et non pas en neuroscience... une petite connexion à distance, et hop, pas besoin de retourner au labo dans la soirée pour avancer une expérience. D'ailleurs, tu veux bien me donner ton avis sur un algorithme ? »

Ce qui était ma participation au cinquième des sabliers givrés organisés par Kozlika, sur une amorce choisie par Benjamin.

Le texte originel était La femme espadon, par David de Tangible.

Notes

[1] Pour les anglophones qui voudraient en rire, je recommande Jon Stewart ou Steve Young