Donc, Pâques, c'est pour célébrer le retour de Jésus d'entre les morts. Et après on dit du mal du vaudou et des zombies ; soit. Jésus est mort le vendredi Saint, en conclusion de sa Passion (je rappelle que la Passion, pour Jésus, n'a rien à voir avec Marie-Madeleine, mais est l'ensemble de ses souffrances, oui c'est compliqué, ils utilisent tout un tas de vieux mots directement tirés du latin chez les chrétiens, ça n'aide pas à la compréhension), et renaît trois jours après, ce qui logiquement, si je puis dire, nous mène au lundi de Pâques, mais en fait on fête ça aussi le dimanche, pour des raisons obscures.

J'ai toujours beaucoup aimé Pâques comme l'occasion de me remémorer toutes ces histoires. D'abord, ce qui vient avant Pâques : le Carême, précédé du mardi Gras, et commençant par le mercredi des Cendres. Le Carême, aussi connu, mais moins, sous le nom de Sainte-Quarantaine, car il dure quarante jours, plus six dimanches, car le dimanche ne compte pas, est l'occasion de faire pénitence en jeûnant ; si je comprends bien, dans la tradition, on se contente d'un repas par jour ; par ici (car en France je n'ai jamais connu de Catholiques qui fassent quoi que ce soit de spécial pour le Carême) on aime bien se priver d'un truc sympa, au choix viande, alcools, sucreries... La différence avec le Ramadan me semble extrêmement mince ; d'autant plus que le Carême se termine le samedi Saint et est donc suivi du dimanche de Pâques, où l'on déguste l'agneau pascal, toute ressemblance avec l'Aïd el-Fitr étant extrêmement fortuite.

Pourquoi donc quarante jours, mais parce que c'est la période qui correspond à la durée entre la mise bas l'accouchement et les relevailles de couche (je propose que l'on bannisse l'expression « relevailles de couche » de la langue française immédiatement ; et « descente d'organes » aussi, tant qu'on y est), celles de Marie en tout cas. Car, oui, c'est donc pour cela qu'il y a quarante jours entre Noël et la Chandeleur ! (Le rapport entre les relevailles de couches et les crêpes mérite quelques éclaircissements ; le lecteur curieux sera ravie d'apprendre qu'au Mexique, la Chandeleur se fête à coups de tamales, comme quoi on peut bien s'adapter ; de toute façon, l'important, c'est de bouffer).

Le mardi Gras sert à faire la fête avant de commencer quarante-six jours de privations, et le mercredi des Cendres est le jour où l'auto-flagellation (pas au sens littéral ; ne confondons pas avec les Flagellants, ni avec les auto-flagellations du jeudi Saint pour, je cite « revivre la Passion du Christ », ni le sado-masochisme ; encore que sur le masochisme, les religions chrétiennes ont tendance à se poser là, je trouve) peut commencer. Comme c'est très très triste, on se colle de la cendre sur le front ; c'est donc le jour où il est malvenu de dire à ses collègues qu'ils ont du cracra, là, attends, tiens, je te l'essuie. Et attention, pas n'importe quelle cendre : la cendre des rameaux accrochés l'année précédente lors du dimanche des Rameaux, aussi appelé dimanche des Palmes, et qui précède d'une semaine le dimanche de Pâques ; le tout en référence à l'accueil triomphant que reçut Jésus entrant à Jérusalem sur son âne, pendant que la foule émue agitait non pas des briquets (ni des téléphones portables) mais des branches de palmiers. Par ailleurs, les rameaux verdoyants symbolisent la vitalité (mais on ne donne pas du tout dans le paganisme). J'ai longtemps cru qu'il y avait un rapport avec la colombe et le rameau d'olivier, mais manifestement, non, c'est juste qu'en Provence avec tous ces oliviers partout, on utilise des rameaux d'oliviers plutôt que des palmes. C'est d'un festif, d'agiter des rameaux d'oliviers, incomparable.

Donc, Pâques. Comme le dit Jim Gaffigan (ou à peu près) : « le retour de Jésus parmi les vivants ! On pourrait avoir des œufs ! Des œufs ? Quel est le rapport ? Bah, t'inquiète, on va les cacher. Je ne suis pas sûr de suivre ta logique... Ah, pas de problème, y a aussi un lapin ! » Bon, le rapport avec les œufs, c'est évidemment la vie, le renouveau, etc, etc, etc, pareil avec le lapin d'ailleurs, pas besoin de faire un dessin, mais non, on ne donne pas du tout dans le paganisme, je l'ai déjà dit.

Va savoir ce que le chocolat vient faire là-dedans, sans parler des poissons en chocolat. Quant aux cloches, c'est une tradition exclusivement française, car pendant les trois jours que Jésus était mort, on ne sonne pas les cloches. On peut dormir le matin et tout, le pied. Plutôt que de rester à s'ennuyer dans leur beffroi, elles s'envolent pour Rome, où elles se font bénir ; elles en reviennent chargées de chocolat, qu'elles lâchent dans les jardins de France. Ben vas-y, crois-moi pas, mais je te rappelle qu'on parle d'un type conçu de façon immaculée revenant de parmi les morts, on peut bien jeter quelques cloches volantes dans l'affaire.

Quarante jours après Pâques, oui toujours quarante jours, la quarantaine n'a pas été inventée pour rien, c'est l'Ascension, le jour que Jésus est monté au ciel, en ascenseur. Ah bah regarde un peu les peintures de la Renaissance sur le sujet, Jésus sur un nuage tiré vers le ciel, Léonard de Vinci aurait inventé l'ascenseur qu'on saurait où il aurait trouvé l'inspiration. Entre temps, je ne suis pas certaine de ce qu'il a fait, à part se montrer ici ou là pour montrer que vi, vi, il était bien ressuscité d'entre les morts, la preuve.

Comme il venait d'ouvrir la voie entre la Terre et le Ciel, fallait en profiter, dix jours plus tard, le Saint-Esprit (qui est, si j'ai tout bien compris, le même que le Père et le Fils, donc Jésus soi-même, qui s'emmerdait un peu là haut) redescend sur Terre, et illumine les Apôtres, c'est la Pentecôte, cinquante jours après Pâques, tout se tient ! Les Juifs ont aussi une redescente cinquante jours après Pessah, c'est Chavouot, mais comme ils sont beaucoup plus prosaïques, c'est juste Moïse qui redescend du Mont Sinaï, le judaïsme n'adhérant pas au principe de « plus c'est gros, mieux ça passe » et ayant des histoires un chouïa plus crédibles.

Après quoi j'ai un peu perdu le compte, y a la Sainte Trinité (qui conclut une période de trois semaines commençant juste avant l'Ascension par le dimanche des Rogations et non pas des rogatons, période pendant laquelle il était interdit de se marier, pour des raisons obscures, probablement juste pour emmerder le peuple ou parce que le clergé était fatigué de toutes ces célébrations), la Fête-Dieu (de son vrai nom « Solennité du corps et du sang du Christ », je vais devoir avouer qu'y a pas que les Mormons qui m'effraient), et probablement plein d'autre choses, mais Marie en profite pour monter au Ciel elle aussi, seulement elle attend le 15 août, c'est l'Assomption. Elle en avait marre de voir tous ces automobilistes se planter sur l'autoroute, je suppose, elle s'est tirée. Sauf qu'il paraît qu'elle était morte avant de monter dans l'ascenseur, c'est pour cela que les Orthodoxes préfèrent parler de Dormition, et le tout est un sérieux sujet de contention. Oui bon moi aussi je peux inventer des euphémismes ridicules et des raisons stupides de ne pas être d'accord hein. Le lecteur attentif remarquera que tout ceci ne dit rien de ce qu'il est arrivé à Joseph, je voudrais juste noter qu'un père absent, y a quand même pas de quoi faire la Une des journaux, surtout s'il s'avère qu'il n'était même pas vraiment le père.

Ça se voit, que je ne suis jamais allée au catéchisme et que mon éducation religieuse s'est faite majoritairement par des conversations avec mes parents devant des tableaux, conversations qui généralement nous laissaient tous les trois le souffle court de rires, et suscitaient de nombreux froncement de sourcils de la part des visiteurs avoisinants ?