Bien rentrée
Deux semaines. Je viens de vérifier sur le calendrier, ça fait deux semaines que je suis rentrée. J'ai l'impression de ne jamais être partie ; mon séjour en Israël, l'intensité de cet été (« j'ai pensé plusieurs fois que tu étais un peu folle de partir comme ça ; moi je n'aurais pas pu », m'a-t-on dit, sans se douter qu'entre le séjour en Israël et les quelques jours en famille, c'est de loin les derniers qui ont été les plus éprouvants) m'apparaissent comme une lointaine parenthèse, et j'ai retrouvé sans heurt le fil de la vie que j'ai construite ici.
Le labo n'a pas bien changé ; deux doctorants devenus docteurs un peu avant mon départ, quelques nouveaux thésards, rien qui ne m'affecte directement. Je continue de faire avancer mes deux projets principaux, l'un à trafiquer des orbitales atomiques avec le gars du bureau d'à côté, l'autre à faire des maths avec un coauteur qui a quitté le labo depuis plus de deux ans. Un autre projet, en collaboration avec des biologistes, que j'avais cru décédé après des expériences infructueuses et le changement de labo du thésard qui les avaient menées, est remonté à la surface, pour mon plus grand plaisir malgré la charge de travail supplémentaire.
Je me rends compte que je me suis coulée, l'air de rien, dans ma position de thésarde senior. Il y a un an, j'admirais mon cobural pour la façon dont il avait endossé le rôle en me demandant comment prendre sa suite ; il se trouve que les choses viennent naturellement, quand on a été dans le groupe suffisamment longtemps. J'attire l'attention sur les échéances, commente les projets des uns et des autres, sers d'intermédiaire entre les thésards et Advisor, prends les décisions sur lesquelles personne ne veut se prononcer, mène les réunions en l'absence du chef, et réponds au question des uns et des autres sans m'en poser aucune. Et je me réjouis d'avoir tellement plus de poids que je n'en avais en tant que pauvre stagiaire cet été.
Les diverses fêtes d'anniversaires et autres barbecues de début d'année m'ont fait retrouver quasiment toutes mes vieilles connaissances, à l'exception de deux amis qui ont déserté le campus quelques jours avant mon retour et dont l'avion devrait atterrir ce soir. Pendant quelques jours, les conversations autour de moi me rappelaient que j'avais raté trois mois de la vie du campus ; mais très rapidement (et grâce, aussi, à l'Internet mondial qui m'a permis de rester en contact tout l'été) j'ai rattrapé le fil.
Je me suis habituée à ma nouvelle colocataire, avec laquelle je m'entends bien ; elle se sent certainement moins à sa place dans cet appartement qu'elle n'habite que depuis mi-août que moi. Je suis désormais l'aînée de la maisonnée, pour la première fois de ma vie. J'ai aussi repris les cours de danse avec grand plaisir, et dévoué pas mal d'énergie à la rentrée de notre club de tango (dont je suis, tenez-vous bien, directrice artistique).
Et en plus, j'ai un poster accepté dans un des workshops[1] attenant à la Grande Conférence qui se tient début décembre à Vancouver, où j'ai fermement l'intention de côtoyer le gratin et distribuer des CV à tour de bras.
(Et je prédis beaucoup moins de quarante-et-un commentaires sur ce billet, tiens.)
Notes
[1] Le correcteur orthographique propose « sex-shops », merci le correcteur orthographique