Another choo-choo rain
Lecteur, liseronne, je te délaisse, c'est une honte.
C'est que, que veux-tu, on a à peine passé sous silence l'anniversaire de l'inauguration du premier président noir des Stazunis de l'Amérique (à l'époque où on croyait encore au père Noël et à l'idée qu'il était possible de réformer les choses en ayant une assemblée, un sénat et un président tous du même parti), que 2010 part déjà à vau-l'eau.
Littéralement.
Le sud de la Californie subit en effet cette semaine les affres des intempéries, on croirait presque à la colère divine, d'ailleurs où est Pat Robinson pour nous expliquer ce qu'on a fait de mal, nous, dans le comté d'Orange ? (Pat Robinson, si tu n'as pas entendu parler de lui, c'est le monsieur, prétendument pasteur ou prédicateur ou je ne sais quoi infusé de théologie et de miséricorde, qui a dit que le tremblement de terre en Haïti, c'était à cause que les Haïtiens ils avaient passé un pacte avec le Diable pour se libérer de la colonisation française, renvoyant ainsi à son bac à sable Glenn Beck, le monsieur qui a dit que si Obama voulait que les Stazunis de l'Amérique aident Haïti à se relever de ses décombres, c'était pour servir sa politique de conquête du monde à coup de communisme anarcho-satano-nihiliste et de rébellions d'esclaves noirs. Fermons ici une parenthèse qui s'éternise avant que quelqu'un ne vomisse sont petit déjeuner sur son clavier.)
Un temps digne, donc, des tempêtes auxquelles Brest m'avait habituée, mais dans une région sèche, dévastée par les incendies, et absolument pas préparée à la pluie. Je te jure, c'est limite s'ils ont pensé à installer des gouttières sur les maisons, en tout cas aucune évacuation d'eau n'a été prévue sur les routes ou chemins pavés, les indigènes ne savent pas comment conduire dans ces conditions, et la Californie a de toute évidence déclaré la guerre aux volets, alors que si une branche d'eucalyptus vole dans ta fenêtre, c'est pas tes stores verticaux grisâtres qui vont y faire quoi que ce soit.
La débâcle, quoi.
(Tu comprendras donc, si jamais tu fais attention aux catégories des billets, que pour cette fois Stormy Weather est à prendre au sens littéral.)
Samedi on avait une alerte aux fortes pluies pour la semaine à venir.
Lundi je n'ai pas regardé la météo, mais suis allée déjeuner avec des amies (c'était les vacances, en l'honneur de l'anniversaire de Martin Luther King, le monsieur qui s'est fait assassiner pour du vrai pour avoir fait des rêves, ce qui ne fait que confirmer que les gens ne devraient jamais raconter leurs rêves, merci) et suis arrivée au rendez-vous trempée comme une soupe (j'avais qu'à pas mettre un jean, aussi), ce qui ne m'a pas empêché de savourer notre pause de trois heures et notre conversation de haut vol (on a dit du mal des Américains, des Républicains, des constructions sociales et de nos pères, et on a pas parlé une seule fois de maquillage, de fringues, de régime ou de garçons, parce qu'on est pas des vraies filles, c'était parfait).
Mardi on a eu un avis de tornade.
Avis qui a fait doucement rigoler les copains qui ont habité dans des endroits où il y a vraiment des tornades et des procédures à suivre pour ne pas te faire emporter au pays d'Oz comme Dorothy. Enfin, jusqu'au moment où un arbre s'est fait déraciner devant eux. Le ciel était tout noir et la pluie tombait en rideaux, pour ce qu'on en voyait ; sur les vélux du labo ça faisait un bruit impressionnant ; les branches volaient et on entendait parler d'arbres déracinés. Puis ça s'est arrêté aussi rapidement que ça avait commencé, nous laissant un campus transformé en piscine et jonchés de branches d'arbres désormais déplumés.
Mercredi on est repassés à l'alerte aux vents violents et aux inondations, et puis ils ont évacué quelques centaines de maisons au sud de Los Angeles, en raison des risques de glissement de terrain. Ma copine K a eu une éruption cutanée monstrueuse, chose qui ne lui était plus arrivée depuis la tempête de 1999. Nous avons brièvement considéré nous procurer de l'eau bénite.
Aujourd'hui, c'était quinte flush royale : alerte aux vents violents, alerte aux inondations, alerte aux crues subites, alertes aux inondations marines, alerte aux glissements de terrain.
Pendant ce temps, ne crois pas que je reste inactive, langoureusement étendue près de ma fenêtre telle la dame aux camélias (enfin, nénuphars serait plus approprié), sirotant mon Earl Grey et regardant mélancoliquement tomber la pluie. J'aimerais bien, sauf le nymphéa, mais je n'ai point le temps.
D'abord, j'ai trouvé un fil conducteur potable à ma thèse, un truc qui me permette de parler de presque tout ce que j'ai fait pendant ces quatre et quelques dernières années sans avoir l'air de faire du patchwork (un art noble, mais sous-apprécié dans le domaine scientifique).
Ensuite, j'ai écrit des tas de trucs scientifiques. (Ma thèse, elle, fait toujours trois pages et demie.)
Et par là-dessus, j'ai dansé et organisé des évènements dansants (alors dit comme ça, ça sonne un peu comme soirée gavotte au club du troisième âge, mais je te jure que non) jusqu'à la gauche. Le tout avec un torticolis (qui est presque définitivement parti et aurait certainement guéri plus vite si je n'avais pas fait une démo et donné deux cours de swing dessus, mais si tu avais passé autant de temps que moi à préparer cette soirée-là, tu aurais dansé aussi, crois-moi).
Les choses se sont plutôt bien passées jusqu'à présent, tout le monde nous oh j'adore ce que vous faites, le tout menace sérieusement de s'effondrer dans les jours à venir, mais en attendant nous avons réussi à faire sortir de leur trou environ 130 personnes pour venir danser avec nous vendredi dernier, succès que nous avons dument fêté au champagne prosecco et cava hier au soir jusque suffisamment tard dans la nuit pour que je me retrouve à faire du café dans ma cuisine directement au filtre alors que je n'ai pas de porte filtre mais une cafetière italienne que je connais par cœur à ma disposition, expérience qui ne fut pas vraiment améliorée par l'intervention d'un chimiste soi-disant plus à même de faire des travaux pratiques eut égard à ses occupations quotidiennes (qui en ce moment consistent à donner de la cocaïne à des undergrads, si j'ai tout bien suivi).
Et si tu trouves que mes phrases sont longues, va donc relire A la recherche du temps perdu. Comment ça, Proust, au moins, il les écrivait bien, ses phrases ?
Enfin, spas tout ça, mais j'ai des énergies libres de Gibbs qui m'attendent. Elles ont l'air en colère et je crois qu'elles sont armées.
Bonus : si tu as lu jusque là et que tu en as marre marre de la pluie qui mouille et qui fait du gris, tu peux aller regarder mes photos de Jaffa. Promis, y en a au moins 25 que tu n'as pas encore vues, je viens de les y mettre.