Alors, évidemment, j'aurais pu en parler plus tôt. Mais :

  • la recette du streusel miam se languissait sur mon bureau et il fallait que j'en fasse un billet ;
  • ensuite Henri Salvador est mort et j'étais trop occupée à chantonner des bêtises façons Faut rigoler ou Le lion est mort ce soir ou des jolies choses comme Le jardin d'hiver ou Une chanson douce ou Syracuse, ce qui m'a d'ailleurs conduite à réécouter toutes les chansons d'Yves Montand sur lesquelles j'ai pu mettre la main, ce qui a mobilisé une partie trop importante de mes synapses ;
  • après il a fallu que je me lamente sur les excès de petits cœurs roses, de messages mercantiles[1] et autres mièvreries dégoulinantes d'hypocrisie propres aux alentours du 14 février[2];
  • ensuite l'excité à talonnettes qui nous sert de chef d'État a encore eu une épiphanie et j'étais trop occupée à friser l'apoplexie pour me répandre sur le génie de Monsieur Wilde (et puis juste après y a Miss SFW qui m'a définitivement collé la gerbe - je décline toute responsabilité si quiconque se décidait à suivre le lien en question) ;
  • puis je me suis rendue compte que j'avais deux semaines de dur labeur foutues en l'air parce que mes températures étaient en kelvins et non pas en degrés Celsius, ce qui m'a passablement irritée en plus de me plonger dans une activité frénétique et ne laissant guère de place à l'envolée lyrique. Et vu que je suis en plein dans la réécriture d'un article (bon, d'accord, un chapitre, je me berce d'illusions si tel est mon bon plaisir) et la rédaction d'une réponse polie et argumentée aux critiques (qui ont des suggestions plus farfelues les unes que les autres et posent des questions auxquelles le papier répond déjà de façon claire et précise), le peu de lyrisme qu'il me reste se trouve fort malmené.

Donc je n'en parle que maintenant si je veux. Et hou là c'était bien. Au vu de mon lourd héritage paternel, il me suffit de mettre un pied dans un théâtre pour me sentir déjà un peu chez moi ; mais habituellement, juste après, je commence à dire du mal de la mise en scène, des costumes, des décors, et des lumières. Ben là, même pas. C'était tout très classique, les costumes comme en 1895, le reste plutôt simple et sobre comme j'aime (ah! Je vous surprend, n'est-ce pas ?), au service effacé du texte et du jeu des acteurs plutôt que cherchant à compenser leurs faiblesses. Et la pièce était excellente. Je l'avais lue (dans le texte) il y a quelques temps (une petite dizaine d'années je pense), et j'en avais environ tout oublié. Notamment parce que mon anglais était loin d'être aussi développé que maintenant et que je n'avais pas compris le quart de la moitié de l'humour, sans parler de l'intrigue. Mais là, je me suis régalée. C'était drôle, sans autre prétention que celle, amplement légitime, d'être léger, piquant, et riche en mots d'esprits et plaisanteries fines ; les acteurs avaient un jeu remarquable (notamment le gars qui interprétait avec brio un Algernon Moncrieff frivole et inconséquent jusque dans la moindre de ses postures) et ont captivé l'attention du public pendant chaque minute des deux heures quinze de représentation[3].

Et maintenant, la question qui me hante depuis qu'est tombée la réplique finale : combien de langues possèdent un prénom masculin qui soit aussi un adjectif dont le sens soit proche de « sérieux » ? Je décompte, en plus de l'anglais et du français, l'allemand (avec Ernst), l'italien et l'espagnol (Franco pour les deux). Quid des autres ?

Notes

[1] Vous avez échappé à ma diatribe contre la chaîne de diamantaires qui prétend dans son slogan publicitaire que chaque baiser commence avec l'un de leurs produits, mais sachez qu'elle (la diatribe) contient le mot « prostituée » et un certain nombre de ses variantes plus ou moins polies

[2] Je voulais aussi râler contre les cartes à messages pré-imprimés et tellement personnels, mais d'une je le fais tout le temps, et de deux, j'en ai reçue une moi-même (agrémentée de deux, non, trois ! mots manuscrits), ce qui m'empêche d'aborder le sujet avec la légèreté que j'aurais désirée

[3] Entrecoupées de deux entractes d'environ un quart d'heure chacun.