Mais le pire, quand on fait les boutiques, c'est de trouver des trucs à acheter.

Quand comme moi tu tailles au-dessus du 40, tu sais qu'en France, faire les magasins de fringues, c'est l'horreur, si jamais par hasard y a un truc à ta taille, soit c'est une erreur d'étiquetage, soit ça irait parfaitement à ta grand-mère côté style, sauf que ta grand-mère, elle s'habille au rayon enfants tellement elle est mince et frêle. Aux États-Unis, pays du grand et du large, le problème se pose moins.

Sauf quand tu accompagnes un Blondinet, que forcément, si son surnom n'est pas L'Armoire Normande, c'est pas seulement parce qu'il est pas normand. Et que quand tu es petit, selon les stylistes américains de fringues vaguement abordables, tu es aussi gras du bide. (Enfin quand je dis petit, pas particulièrement petit non plus, il dépasse facilement notre fierté nationale à tous, notre président de la République de la France de nous qu'on a, garant de nos belles institutions et diplômé d'honneur en foutage de gueule.) Mais le Blondinet, en plus de ne frôler de peu le mètre soixante-quinze, a le mauvais goût d'être mince.

Ce con.

En pantalons, le Blondinet porte du 30x30 (si tu mets des jeans Levi's tu sais de quoi je cause, 30 pouces de tour de taille, 30 pouces de longueur de jambe[1]), sauf que tout d'un coup, il semblerait qu'il ait rétréci des pattes ce pauvre garçon, vu qu'il n'y a que dans du 29 en longueur qu'il ne se marche pas sur les jambes du pantalon. Juste environ au même moment où je suis passée d'une taille 12 à une taille 10 dans des marques similaires, tiens donc. Et le 30x30 (ne parlons pas du 30x29), ça se trouve pas sous le sabot d'un cheval, permets-moi de te le dire. Ah par contre le 36x30 pour type large et court sur pattes, pas de problème.

Une heure trente, qu'on a passé chez Maycise hommes. Je ne pense pas qu'il y ait un seul pantalon dont la taille n'ait pas été examinée. Et vas-y que tu déniches un 30x30 mais il est laid, ou alors il est trop cher, ou alors il fait dix centimètres de plus en longueur que le 30x30 de la marque d'à côté, et pendant ce temps y a de la marmaille qui piaille, de la pouffe californienne qui glousse en tapant des textos sur son téléphone avec son cul en plein milieu du passage et qui te jette un regard noir quand tu lui demandes poliment de dégager ses fesses, de la vendeuse de parfums qui asperge le client et un truc qu'ils osent appeler de la musique dans les haut-parleurs. (Une fois, j'ai été dans un magasin de vêtements où ils passaient du bon rock. C'était au Danemark. Un point pour eux, va.)

Cette histoire se finit presque bien, heureusement, il a trouvé deux Levi's à sa taille, toujours 30x30 d'ailleurs.

Mais après Maycise on a décidé d'aller chez Hachéhème, probablement parce que l'expérience précédente nous avait ramolli du neurone et que nous avions perdu tout sens commun. Parce que chez Hachéhème, y a aussi des vêtements de fille. Et aussi que Hachéhème, je comprends comment ça marche, comme magasin, pour un peu je me sentirais en France dis. Et que donc j'ai lâché le Blondinet pour chercher de quoi me saper. Vu que mes débardeurs blancs commencent à être trop jaunis pour être présentables (même à l'eau oxygénée ça part pas, cette arnaque ‒ bon d'accord ça fait des années que je les ai et ils viennent de chez Carrouf...), j'avais l'intention de m'en procurer de nouveaux. Et dans un élan suicidaire, je m'étais aussi mis dans l'idée que ce serait bien de m'acheter un ou deux pantalons légers, plus pratiquables en été que le jean foncé, et plus sérieux que les jupettes pour donner mes TD (car oui, je suis chargée de TD du 23 juin au 30 juillet, alleluïa !).

Je déniche un débardeur blanc à ma taille, deux pantalons légers (blancs aussi) qui ont l'air jolis, et je m'engouffre dans les cabines d'essayage.

Le débardeur blanc, il avait peut-être pas de tâches de vieillesse, mais par contre, c'était même pas la peine de me balancer un seau d'eau dessus pour avoir l'effet t-shirt mouillé. C'est la surprise Hachéhème : tu crois que le vêtement est blanc, et en fait, il est transparent. Et ça s'est vérifié avec les pantalons ; le premier, de toute façon, il ne m'allait pas, et le second, il était tellement épais que tu pouvais voir mes grains de beauté à travers, dis-donc. Et des grains de beauté, j'en ai pas des masses.

Côté « sérieux pour donner des TD », tu avoueras que je peux probablement trouver mieux que des fringues transparentes.

Pendant ce temps, le Blondinet était à nouveau frappé par la malédiction du « y a pas ma taille ». Même en chaussettes, y avait pas sa taille, c'est pour te dire. Je suis donc repartie après deux heures de shopping avec un débardeur jaune foncé à $8.51, l'envie de prendre une pouffe gloussante en Chanel pour taper sur un môme déchaîné auquel ses parents ne décochent même pas un regard, et un début de migraine.

Et je suis supposée aimer ça ?

Quand tu sais qu'en plus je m'habille pour me trouver présentable, pas pour entrer en compétition avec les trois femmes que je croise dans ma journée ; que je n'ai pas peur des souris ; qu'au bout de deux minutes, glousser, ça me fatigue ; que mon but dans la vie n'est pas de mettre le grappin sur un mec qui plaira à ma mère et de le forcer à m'épouser ; que ce que je m'exclame le plus souvent en lisant Glamour est « Quoi !!! » parce que bon, ça fait peur quand même ; et qu'enfin comble du comble je n'ai jamais vu un seul épisode de Sex And The City en entier... tu ne doutes plus. Il n'est pas possible que je sois une fille.

Le seul truc inquiétant c'est que comme je porte des jupes, que j'aime bien me maquiller et me vernir les ongles, que j'ai la larme facile et l'hystérie aussi, que je n'aime pas trop trop les araignées, et que je suis vachement douée en multi-tâches, je ne suis pas non plus un garçon.

Dame ! comme disent les Américains.

Notes

[1] Oui je pèse facilement quinze kilos de plus que lui, ça te pose un problème ? Parce qu'à nous, non.