La partie la plus difficile de l'organisation a été de s'assurer que le surfeur naze, tout emporté par sa vague, ne soit jamais mis au courant de l'existence de ces festivités. Et vu son flair pour les occasions de bouffer gratuit, ça a pas été facile facile. (Surtout quand les gars qui faisaient les courses l'ont vu au supermarché et se sont cachés jusqu'à ce qu'il parte afin qu'il ne les voie pas avec un stock de bouffe suffisant pour nourrir trente personnes.)

On a commencé à se réunir et à manger des chips vers 15h, et puis les gens sont arrivés de plus en plus nombreux, avec leurs guitares et leurs ukulélés et des ballons et... un jeu de bocce.

La bocce, comme tu le sais peut-être si tu es cultivé (pas comme moi il y a trois jours), c'est la pétanque en italien. Et les Américains, ils connaissent ! Enfin, certains. Si tu me crois pas regarde Wikipedia. Sauf que, fidèles au mot d'ordre « tout est plus grand en Amérique », le jeu qu'on avait, il avait un cochonnet plus gros qu'une balle de ping-pong et des boules tellement grosses qu'elles tenaient à peine dans ma main. (J'ai peur de savoir qui Google va m'amener sur ce coup là...) Mais comme elles sont en plastique, les boules, elles font (au jugé) le même poids que les vraies. Et puis aussi, tant qu'à faire, tu peux jouer sur l'herbe !

Donc, samedi, j'ai joué à la pétanque avec un cochonnet plus gros qu'une balle de ping-pong, des boules en plastique, sur de l'herbe en pente, avec des gens qui tiraient comme s'ils étaient au bowling.

Je pense que mes ancêtres se sont retournés dans leur tombe.

Mais bon en même temps on n'avait pas de boulodrome sous la main.

Breeef.

C'était rigolo quand même. (Sauf que j'ai réussi à me claquer un muscle de la nuque en pointant, parce que je suis une grande athlète, je te jure, c'est ce que l'horoscope du Minitel a prédit à mon père quand il était coincé par la neige dans une gare pendant que ma mère accouchait, alors, hein, d'abord.)

Et puis après on a fait griller des steaks hachés et des saucisses pour faire des hamburgers et des hot-dogs, et on a bu des bières (enfin pas moi parce que mes médicaments n'aiment pas trop l'éthanol, mais vu que les gars avaient majoritairement acheté de la Coors Light, je n'aurais probablement pas bu de toute façon. Non mais sérieusement, la Coors, c'est déjà pas super bon, mais allégée, c'est vraiment dégueulasse. Moi j'ai bu de l'eau et de la ginger ale[1]), et puis on a papoté avec les copines des uns et les amis des autres et le nouveau venu et l'ex post-doc qui est parti il y a quelques semaines pour travailler dans l'industrie et l'autre post-doc qui s'en va bientôt et qui avait amené son fils de dix mois et le thésard à cheval entre la France et la Californie qui rentre définitivement en France et...

Le thésard à cheval entre la France et la Californie qui rentre définitivement en France.

Mais moi je voulais pas qu'il parte ! C'est suffisamment dégueulasse qu'il soit entrain de se prélasser combattre le jet-lag à Paris et pas moi, ce salaud, mais en plus je n'ai plus personne à qui parler français dans les couloirs !

Menfin. Il m'a laissé plein de bons bouquins en français (et même des polys !) pour me consoler. Et puis y avait des cookies frais et un gâteau spécialement décoré en l'honneur de notre groupe de recherche et plein de gens sympa et donc je n'ai pas été trop triste.

Et puis après on est allé chez un des gars et on a dit du mal de certains professeurs et joué au babyfoot et on a élaboré des théories complètement fumeuses sur la relation entre drogues, tatouages et confusion mentale à l'adolescence (j'étais la seule à être claire ce qui ne garantit aucunement que je ne délirais pas, bien au contraire) et plein d'autres choses encore. J'ai un peu vu rouge quand untel a parlé de sa mère qui s'inquiétait pour lui parce que sa femme s'absente une semaine et ne sera pas disponible pour lui cuisiner son dîner, ou quand untel autre a raconté comment sa copine s'était énervée lorsqu'il avait acheté un super écran télé (avec son argent à lui qu'il a et qui n'est pas à elle) au point qu'il avait fallu sa propre mère (à la copine) au téléphone pour le calmer, et puis j'ai pensé très fort à Pétronille et ses leçons sur les filles pour les garçons (qui font aussi double-emploi et apprennent des trucs sur les garçons aux filles, et puis quadruple emploi en fait parce que les garçons en apprennent sur les garçons et les filles sur les filles) et respiré calmement par le ventre et puis c'est passé.

Bah c'était vachement bien.

Quand au reste de mon week-end, ça a été temps maussade, film itou (si tu n'as pas vu Michael Clayton, abstiens-toi. Si tu désires encore le voir juste pour George Clooney, je sais pas, moi, repasse-toi les pubs Nespresso ou En pleine tempête, parce que pour la dizaine de minutes où il ne joue pas complètement comme une chaussette ‒ faut dire que la platitude de son rôle ne rend pas les choses facile ‒ ça ne vaut pas la peine de s'infliger le reste du film.), soldes du Memorial Day (ah ben oui on a enfin eu notre jour férié du mois de mai), traînaillage léger et recherche, évidemment.

Notes

[1] Du Canada Dry, si tu préfères, sauf que c'était pas du Canada Dry comme marque