Denver, Colorado
Il ne vous aura probablement pas échappé que se tient en ce moment à Denver la Convention Nationale Démocrate. La couverture médiatique est moindre que pour les Jeux Olympiques, certes, mais au moins quand Hillary Clinton fait un discours ce n'est pas en playback alors que c'est Bill, qui est trop moche pour être montré au monde, qui parle caché derrière un rideau (quoi j'ai trop vu Chantons sous la pluie ?). On rigole, on rigole, mais il n'aura échappé à personne que Barack et Michelle Obama sont tout de même sacrément présentables et que Joe Biden porte plutôt bien ses soixante-six ans.
Fascinée que je suis, je regarde sur youtube tous les grands discours qui me tombent sous la main, avec un jour de retard en général, certes (je ne l'ai pas encore vu mais je sais que Barack Obama a fait une apparition « surprise » ce soir, eh oh, mon ordinateur est connecté à Internet). Et je trouve ça fort intéressant.
D'abord, côté Obama, je ne sais pas pourquoi on s'embarrasse de Barack, il n'y a qu'à voter pour Michelle tout de suite. Non, bon, d'accord, peut-être pas à ce point, mais son discours de lundi soir était impressionnant. Centré sur le Rêve Américain, il rappelait fort à propos et les origines tout à fait modestes du candidat qui se fait souvent targuer d'élitisme[1], ainsi que la façon dont il s'est toujours investi pour aider les plus démunis à s'aider eux-mêmes plutôt que de se contenter de leur débloquer des allocations (tout gauchiste qui se respecte aura maintes fois grincé des dents en entendant parler de ces gens qui « préfèrent pointer au chômage que de travailler, c'est moins fatiguant et regarde ils ont même acheté une nouvelle télévision récemment »). Se préparant pour son possible rôle de première dame, elle a aussi mis une bonne dose d'histoire personnelle dans l'affaire (ce qui ne lasse pas de me surprendre dans des discours politiques mais nous sommes aux États-Unis, que diable), versant à de multiples reprises dans le sentimental en évoquant sa famille, ses sentiments en tant que fille, que sœur, que mère, le courage de son père qui, atteint de sclérose en plaque, ne se plaignait jamais et se contentait de se lever une heure plus tôt chaque matin pour avoir le temps de se préparer à aller gagner son pain quotidien ; les yeux du public étaient pour la plupart humide et je n'ai pas honte d'avouer que j'ai pleuré — ce qui, je l'avoue, n'aide pas à atténuer le sentiment de regarder un film hollywoodien à la gloire de la Nation[2].
Côté Clinton, il est dommage que l'on sente encore un peu l'amertume de la défaite. Malgré sa diction parfaite et son discours très bien fichu, le cœur manquait parfois (mais je lui ai toujours reproché sa froideur manipulatrice), et la caméra ne s'est pas toujours posée sur les expressions les plus seyantes de son mari. Puis quelqu'un aurait pu la prévenir qu'un tailleur orange, ça allait pas le faire sur le fond bleu de la salle de conférences. Franchement. Son travail consiste maintenant à rassembler ses fans derrière Barack Obama, et ce n'est pas toujours facile quand on voit l'agressivité de l'organisation PUMA — People United Mean Action (l'union fait l'action, en quelque sorte), ou plus officieusement Party Unity, My Ass (l'unité du parti, mon cul), partisans d'Hillary Clinton qui s'opposent à la nomination de Barack Obama et au fait qu'il ait été choisi « par les dirigeants et non pas par les électeurs ». Pour ce faire elle a mis de côté toutes dissensions entre Obama et elle, insistant sur l'importance pour les Américains et leurs enfants d'avoir un Démocrate à la Maison Blanche, leur passant une couche de pommade motivante sur le thème du « les Américains ne se dégonflent pas, ils continuent de se battre et d'aller de l'avant » et lourdement insisté sur les conséquences de l'éventuelle élection de McCain :
More economic stagnation ... and less affordable health care.
More high gas prices ... and less alternative energy.
More jobs getting shipped overseas ... and fewer jobs created here.
More skyrocketing debt ... home foreclosures ... and mounting bills that are crushing our middle class families.
More war ... less diplomacy.
More of a government where the privileged come first ... and everyone else comes last.
John McCain says the economy is fundamentally sound. John McCain doesn’t think that 47 million people without health insurance is a crisis. John McCain wants to privatize Social Security. And in 2008, he still thinks it’s okay when women don’t earn equal pay for equal work.
With an agenda like that, it makes sense that George Bush and John McCain will be together next week in the Twin Cities. Because these days they’re awfully hard to tell apart.
Plus de stagnation économique... et moins d'accès aux soins.
Plus de flambée des prix de l'essence... et moins de sources d'énergie alternatives.
Plus d'emplois délocalisés à l'étranger... et moins d'emplois créés ici.
Plus de dettes montant en flèche... de maisons saisies... et de factures qui s'accumulent en écrasant nos familles des classes moyennes.
Plus de guerre... moins de diplomatie.
Plus d'un gouvernement qui met les privilégiés en premier... et tous les autres en dernier.
John McCain dit que l'économie est fondamentalement saine. John McCain ne pense pas que 47 millions de gens sans assurance santé[3] soit une crise. John McCain veut privatiser la sécurité sociale[4]. Et en 2008, il continue de penser que le fait que les femmes ne gagnent pas un salaire égal à travail égal n'est pas un problème.
Avec un tel programme, il n'est pas étonnant que George Bush et John McCain se retrouvent la semaine prochaine dans les villes jumelles[5]. Parce que ces temps-ci il est incroyablement difficile de les différencier l'un de l'autre.
Hillary Clinton a aussi bien évidemment enrobé le tout d'une petite couche de féminisme, ce qui n'est pas nécessairement mal venu, et ressorti sa phrase clé (mais qui met joliment le progrès en perspective, je le concède) :
My mother was born before women could vote. But in this election, my daughter got to vote for her mother for president.
Ma mère est née avant que les femmes aient le droit de voter. Mais dans cette élection, ma fille a eu la possibilité de voter pour sa mère pour la présidence.
Quant aux thèmes abordés (je trouve ça très instructif, sachant que les Américains débattent de sujets qui ne sont plus à l'ordre du jour en France, ou du moins plus aussi virulemment, depuis avant ma naissance, comme la peine de mort ou l'avortement, et je ne parle même pas du créationnisme), pour l'instant, j'ai retenu :
- l'accès aux soins pour tous ;
- relancer l'économie en créant des emplois (Clinton dit qu'Obama va le faire, je n'attend que ça) et baissant les impôts des familles des classes moyennes ;
- mettre fin à la guerre en Irak, rapatrier les soldats et, chose importante, s'occuper d'eux (on en revient à l'accès aux soins, notamment mentaux, et à l'emploi) ;
- le développement d'énergies alternatives (en relation avec la montée des prix de l'essence tout autant sinon plus que par souci écologique, je pense que le premier angle est plus rassembleur que le second) ;
- l'accès à une bonne éducation pour tous (moins développé).
Sinon, ils ont aussi des préservatifs « protégez-vous contre John McCain (pendant cette élection) » (voir aussi ici).
Notes
[1] Alors que John McCain, marié à l'héritière Hensley, est apparemment le candidat du peuple — allez comprendre
[2] Otir me rejoint d'ailleurs sur ce point dans son billet Suivre une convention américaine !
[3] NDKrazyKitty : sur environ 300 millions d'habitants aux États-Unis, ça en fait un drôle de paquet
[4] NDKrazyKitty : qui aux États-Unis s'occupe de la santé des plus âgés et les plus démunis, de l'aide aux invalides, de retraites, etc...
[5] NDKrazyKitty : les Twin Cities, Minneapolis-Saint Paul