Denver, Colorado III
Je sais. Entre les journaux, les radios, les télévisions, personne n'a échappé au discours d'investiture de Barack Obama. Citations par ci, parodies par là, tout le monde en a déjà parlé. Si j'avais la prétention de faire dans les nouvelles chaude-brûlantes de dernière minute, ça se saurait. Et trouver quarante-cinq minutes d'affilée pour regarder la vidéo, c'est pas toujours évident.
Mais tout d'abord un mot sur Sarah Palin, la vice-présidente choisie par John McCain, une ressucée de mes gazouillis (ben oui c'est ça que ça veut dire, twitter, gazouiller), vraiment. Oh, une femme, ça va faire plaisir aux Hillaristes, et quel progressiste, ce McCain ! (Non je n'ai pas tapé sur le gars qui m'a demandé si ça influerait sur mon vote, serais-je en mesure de voter. C'est que des médisances.) Oh, puis elle est jeune, ça compensera l'âge avancé du candidat Républicain ! Et puis ils sont d'accord sur tout, de leur amour des compagnies pétrolifères (forcément, en Alsaka...) à leur détestation de l'avortement. Par contre elle n'a aucune expérience, personne ne la connait, et elle est le sujet d'une enquête pour abus de pouvoir. J'avais commencé par pensé que c'était un choix intelligent, mais finalement je me demande s'ils ne paniquent pas un peu, chez les Républicains...
Mais revenons-en à Barack Obama. J'ai lu quelque part qu'il avait fait un discours moins émotionnel que celui de Bill Clinton et je ne suis pas d'accord, même si j'admets volontiers qu'il a mis l'accent sur la politique et le retournage de manches, ce qui est bien la moindre des choses. En effet, entre ses remerciements d'ouverture, à Hillary Clinton qui est une telle inspiration pour les femmes et nos filles, à Bill Clinton qui a fait un excellent discours d'unité, à Ted Kennedy qui a fait le déplacement malgré sa tumeur (et qui a fait un chouette petit discours d'ailleurs), à Joe Biden (cet homme simple qui prend les transports en commun, n'hésitons pas à le rappeler ni à nous en féliciter), à sa femme et ses filles enfin, et les fréquentes références à sa famille en relation avec l'origine de ses idées et actions politiques, sans oublier le petit coup de MLK, je trouve qu'il y avait ce qu'il fallait (voire un peu plus, mais bon on est aux États-Unis les gens, y a qu'à regarder un film hollywoodien pour comprendre). Sans parler du fait que le public était intenable et n'arrêtait pas de gueuler "Yes we can" à n'importe quelle opportunité.
Première chose qui m'a frappée, son utilisation de « promesse américaine » (american promise) au lieu de « rêve américain » (american dream), un très bon choix évidemment, une promesse étant plus tangible qu'un rêve et se devant d'être tenue.
Son (long) discours a tout à la fois tapé sur le gouvernement Bush, McCain et l'idéologie Républicaine, mis en valeur sa propre candidature (par comparaison avec celle de McCain et en abordant longuement le rôle de chef des armées) et l'idéologie Démocrate, et transcendé les différences entre Démocrates et Républicains afin de rassembler autour du rêve, pardon, de la promesse américaine (en insistant sur le fait que le patriotisme n'a rien à voir avec le parti politique, contrairement à ce qu'aiment sous-entendre les Républicains).
Il a aussi défini son programme, en listant (sans surprise) les points suivants :
- diminution des impôts pour les familles des classes moyenne et les petites entreprises qui le méritent, ainsi que pour les entreprises qui créent des emplois américains plutôt que de délocaliser ;
- se débarrasser (sous dix ans !) de la dépendance au pétrole du Moyen-Orient, en développant des énergies renouvelables et les moyens de les utiliser ;
- éducation (plus de profs mieux payés, une meilleure qualité d'éducation) ;
- l'accès aux soins pour tous, y compris en arrêtant la discrimination des malades qui en ont le plus besoin ;
- la sécurisation des retratites
- l'égalité hommes-femmes (salaire égal à travail égal)
Extraits choisis :
A propos de McCain :
Now, I don't believe that Senator McCain doesn't care what's going on in the lives of Americans. I just think he doesn't know. Why else would he define middle-class as someone making under five million dollars a year? How else could he propose hundreds of billions in tax breaks for big corporations and oil companies but not one penny of tax relief to more than one hundred million Americans? How else could he offer a health care plan that would actually tax people's benefits, or an education plan that would do nothing to help families pay for college, or a plan that would privatize Social Security and gamble your retirement?
It's not because John McCain doesn't care. It's because John McCain doesn't get it.
Maintenant, je ne crois pas que le Sénateur McCain se fiche de ce qui se passe dans les vies des Américains. Je pense juste qu'il ne sait pas. Pourquoi d'autre définirait-il les classes moyennes comme ceux qui gagnent moins de cinq millions de dollars par an ? Comment d'autre pourrait-il proposer des centaines de milliards de réduction d'impôts pour les grandes corporations et les compagnies pétrolières, mais pas le moindre penny pour plus de cent millions d'Américains ? Comment d'autre pourrait-il proposer un plan d'accès au soins qui imposerait les sommes reçues de la part des assurances, ou un plan d'éducation qui ne ferait rien pour aider les familles à payer pour l'université, ou un plan qui privatiserait la Sécurité Sociale et risquerait votre retraite ?
A propos de l'idéologie Républicaine :
that old, discredited Republican philosophy - give more and more to those with the most and hope that prosperity trickles down to everyone else. In Washington, they call this the Ownership Society, but what it really means is - you're on your own. Out of work? Tough luck. No health care? The market will fix it. Born into poverty? Pull yourself up by your own bootstraps - even if you don't have boots. You're on your own.
cette vieille et discréditée philosophie Républicaine — donnez plus et encore plus à ceux qui ont le plus et espérez que la prospérité dégouline sur tous les autres. A Washington, ils appellent ça la Société de Propriété, mais ce que ça veut vraiment dire, c'est que vous êtes tout seul[1]. Sans travail ? Pas de pot. Pas d'assurance santé ? Le marché se chargera de régler ça. Né pauvre ? Hissez-vous à la force de votre seul poignet – même si vous n'avez rien sur quoi vous appuyer[2]. Vous êtes tout seul.
A propos des promesses de changement de McCain, qui se sert des quelques occasions où il a voté différemment de la ligne de conduite du parti pour se poser comme quelqu'un de différent, alors qu'en fait sur les points les plus importants (économie, santé, éducation, droits des femmes, politique extérieure) il est très, très mainstream :
Senator McCain likes to talk about judgment, but really, what does it say about your judgment when you think George Bush has been right more than ninety percent of the time? I don't know about you, but I'm not ready to take a ten percent chance on change.
Le Sénateur McCain aime parler d'avoir du jugement, mais vraiment, qu'est-ce que penser que George Bush a eu raison plus de quatre-vingt-dix pour cent du temps[3] dit sur votre jugement ? Je ne sais pas vous, mais je ne suis pas prêt à prendre une chance de dix pour cent que les choses changent.
Au sujet de la promesse américaine et des grands objectifs que tous partagent :
We may not agree on abortion, but surely we can agree on reducing the number of unwanted pregnancies in this country. The reality of gun ownership may be different for hunters in rural Ohio than for those plagued by gang-violence in Cleveland, but don't tell me we can't uphold the Second Amendment while keeping AK-47s out of the hands of criminals. I know there are differences on same-sex marriage, but surely we can agree that our gay and lesbian brothers and sisters deserve to visit the person they love in the hospital and to live lives free of discrimination. Passions fly on immigration, but I don't know anyone who benefits when a mother is separated from her infant child or an employer undercuts American wages by hiring illegal workers. This too is part of America's promise - the promise of a democracy where we can find the strength and grace to bridge divides and unite in common effort.
Nous ne sommes peut-être pas d'accord sur l'avortement, mais certainement nous pouvons être d'accord pour réduire le nombre de grossesses non désirées dans ce pays. La réalité de la possession d'armes à feu est peut-être différente pour les chasseurs de l'Ohio rural que pour ceux en proie à la violence des gangs de Cleaveland, mais ne me dites pas qu'on ne peut pas honorer le Second Amendement tout en s'assurant qu'aucun AK-47 ne sont pas entre les mains de criminels. Je sais qu'il y a des différences sur le mariage homosexuel, mais nous pouvons certainement convenir que nos frères et sœurs gays et lesbiens méritent de rendre visite à l'hôpital à la personne qu'ils aiment et de vivre leurs vies sans discrimination. Les passions s'enflamment sur l'immigration, mais je ne connais personne qui tire le moindre bénéfice d'une mère séparée de son enfant ou qu'un employeur réduise les salaires américains en employant des travailleurs illégaux. Cela aussi fait partie de la promesse américaine – la promesse d'une démocratie où nous pouvons trouver la force et la grâce de passer outre les clivages et nous unir dans un effort commun.
Au sujet du cynisme qui pourrait pousser à prendre son discours pour des vœux pieux, et de ce que disent / diront les Républicains à son sujet :
They claim that our insistence on something larger, something firmer and more honest in our public life is just a Trojan Horse for higher taxes and the abandonment of traditional values. And that's to be expected. Because if you don't have any fresh ideas, then you use stale tactics to scare the voters. If you don't have a record to run on, then you paint your opponent as someone people should run from.
You make a big election about small things.
And you know what - it's worked before. Because it feeds into the cynicism we all have about government. When Washington doesn't work, all its promises seem empty. If your hopes have been dashed again and again, then it's best to stop hoping, and settle for what you already know.
Ils prétendent que notre insistance sur quelque chose de plus grand, de plus solide et de plus honnête dans notre vie publique est simplement un cheval de Troie pour augmenter les impôts et l'abandon de nos valeurs traditionnelles. Et c'est ce à quoi on peut s'attendre. Parce que si vous n'avez pas d'idées fraiches, vous utilisez des tactiques défraichies pour effrayer les électeurs. Si vous n'avez pas de passé sur lequel vous appuyer, alors vous décrivez votre adversaire comme quelqu'un dont il faut se détourner.
Vous faites une grande élection à propos de petites choses.
Et vous savez quoi – ça a déjà marché. Parce que ça se nourrit du cynisme que nous avons tous à propos des gouvernements. Quand Washington ne marche pas, toutes ses promesses semblent creuses. Si vos espoirs ont été détruits encore et encore, alors il est mieux d'arrêter d'espérer, et de vous contenter de ce que vous savez déjà.
Et surtout...
Enough!
Assez !
Notes
[1] NDK² : Il y a ici un jeu de mot entre own, « posséder », et own, « propre, même ».
[2] NDK² : Traduction littérale, « tirez-vous par la tige de vos bottes, même si vous n'avez pas de bottes ».
[3] NDK² : le nombre approximatif de fois où McCain a voté dans la même direction que George W. Bush.