Les horloges de la mort
Me voici invitée par Anna à participer à une chaîne. Une chaîne bloguesque ! Ha ! Vade retro ! Mais non, il s'agit en fait de continuer une histoire... ci-dessous, le début, tel que raconté, paragraphe après paragraphe, par Tibo, l'initiateur de ce projet, suivi par Rade, Cat.0, Boris, Fred de Mai, Ardalia, et bien évidemment, Anna, suivi du mien, de paragraphe. Et je passe le relai à Fanette dont j'ai récemment découvert le journal, en espérant qu'elle veuille bien continuer l'histoire...
Commençons. Bien que je ne sache pas vraiment par quoi commencer.
Nous étions un lundi quand ça s’est produit. Le 17 mars. C’était l’année de mes 34 ans.
Tout s’est passé si vite, et en même temps, comme au ralenti.
Voilà mon histoire… Toute mon histoire.Je venais de déménager à Paris. Pas loin des Halles.
Ce jour la, l’interphone m’avait réveillé. J’avais éteint mon réveil pour profiter d’une grasse matinée bien méritée, après un week end chargé en déménagement. Mais apparemment mon nouveau facteur était matinal, et le colis ne pouvait pas attendre.J’avais donc dû me lever, forcé et tiraillé par l’envie de reposer me replonger dans mes rêves. J’aurais pu, oui, ne pas ouvrir la porte. J’aurais pu me rendormir, succomber à cette tentation de l’oreiller. J’aurais pu… peut être même que j’aurais dû… tout aurait peut être été plus simple…
D’un geste rapide, j’avais enfilé un tee-shirt puis ouvert la porte en me tenant de travers, afin de ne pas montrer au livreur que j’étais encore en sous-vêtements. À son sourire moqueur, je compris que ma coiffure trahissait une nuit agitée. Exaspéré, j’avais signé le reçu, pris le paquet et claqué la porte sans lui adresser le moindre mot supplémentaire. Le colis devait peser dans les 2 à 3 kilos, guère plus, répartis uniformément dans un format de type "boite-à-chaussures". Un colis classique, en somme. Celui qu’on imagine toujours dans les mauvais romans.
Ma curiosité aurait dû être éveillée mais un coup d’œil rapide à l’oreiller me rappela la seule priorité de cette journée pas encore ensoleillée : dormir. Dans un saut de l’ange disgracieux, je m’écrasais dans le matelas encore tiède de la chaleur de mon corps endormi tout en laissant tomber délicatement le paquet sur la moquette épaisse. C’est alors que je l’entendis pour la première fois.
Un petit bruit. J’avais pourtant la tête bien enfouie dans l’oreiller mais le petit bruit persistait. Un petit tic-tac de réveil, imperturbable, obstiné, irritant. Je me redressai et regardai sans comprendre mon radioréveil électronique. Ce n’est qu’à ce moment que, appuyé sur un coude et localisant maintenant l’origine du bruit, je compris l’équation. Le colis hermétique de papier kraft faisait tic-tac. Juste comme ça : tic tac… Un jour, je raconterai ma passion pour les films d’aventure.
C'est certainement ma passion pour Indiana Jones qui m'a fait me relever et saisir ce paquet très précautionneusement, certain qu'il s'agissait d'une bombe. J'ai vu défiler devant mes yeux non seulement ma vie, mais la liste de tous ceux qui pourraient songer à m'éliminer. La concierge, pour les jours où j'oublie de m'essuyer les pieds sur le paillasson. Mon compagnon de chambre à la fac, qui ne m'a jamais pardonné toutes les fois où je suis rentré trop tôt et l'ai empêché de profiter de la soirée avec sa copine. J'en étais à me demander si j'avais des livres de bibliothèque en retard, ce qui pourrait expliquer la vindicte d'une bibliothécaire ulcérée ou d'un lecteur impatient, quand ma compagne sortit de la salle de bains, un sourire et du dentifrice sur les lèvres. « Super, ils sont enfin arrivés !
- Chérie, éloigne-toi de ce colis.
- Mais enfin mon amour, tu perds la boule ? Lâche ça ! Ce sont les horloges de la mort que mon collègue entomologiste de Lyon m'a envoyées. Tu sais, les insectes qui bouffent le bois et font tic tac, je t'en ai parlé, non ? Je t'ai dit que je voulais étudier leur étonnante capacité de régénération... »
Ah non. Pas cette fois. Pas encore !
« Choupette, ma mignonne, je croyais qu'on s'était mis d'accord.
- D'accord ? D'accord sur quoi ?
- Ton boulot. A quoi ça sert que tu aies un laboratoire à l'université si c'est pour nous ramener des bestioles à la maison ? On avait dit le boulot, dans ton laboratoire, plus à la maison. C'était le principe même de ce déménagement !
- Laboratoire, laboratoire, j'aimerais bien t'y voir, toi, sur ce coin de paillasse...
- Des termites, qui plus est ! Des termites ! Dans la même pièce que la commode Louis-Philippe qui me vient de Grand-Mère !
- Des horloges de la mort, je te dis. Des grosse vrillettes. Xestobium rufovillosum. Rien à voir avec des termites ! Les horloges de la mort n'ont même pas d'ailes ! Et puis tu as vu la quantité de scotch, sur ce paquet ? Comment veux-tu que les bestioles s'échappent ? Je les amène avec moi au labo ce matin, ne t'inquiète pas.
- Tout de même ! Un paquet qui fait tic-tac ! Des ter... insectes bouffeurs de bois quasiment sur ma commode Louis-Philippe ! Du boulot dans notre appartement quasiment dès le premier jour ! Tu ne trouves pas que tu y vas un peu fort ?
- C'est-à-dire que... je préfère garder cette étude la plus... discrète possible. Et tu sais comment est la secrétaire, non, pardon, Madame l'Assistante Administrative... toujours à bavarder... ça pourrait être dangereux.
- Dangereux ? »