Pendant les dix premières minutes ma main tremblait trop pour utiliser le pointeur laser, mais une fois mise à l'aise par la première question posée (et surtout le fait de savoir y répondre), je suis retombée dans mes bonnes habitudes et j'ai limite fait le pitre au tableau. (Je suis particulièrement fière d'une question rhétorique que j'ai posée uniquement parce que j'étais surprise de voir ce transparent-là arriver au lieu du suivant auquel je m'attendais...)

J'avais prévu 49 slides et de causer 50 minutes ; avec quelques questions, le tout a pris 55 minutes et j'étais donc satisfaite de n'avoir pas trop bousculé les choses. Une fois deux questions de l'auditoire posées, alors qu'Advisor s'apprêtait à faire sortir tout le monde de la salle pour me laisser à la merci de mon jury, Juré N°1 a demandé à faire un commentaire, et, s'adressant à l'ensemble des thésards (et les siens en particulier), leur a recommandé ma thèse comme exemple à suivre, un travail très bien écrit et un plaisir à lire a-t-il dit, pendant que je m'efforçais de ne pas tomber sur mon confortable arrière-train. Un peu de réflexion (et une conversation avec une amie brièvement passée entre les mains du système éducatif français) plus tard, j'ai réalisé qu'il parlait non pas de la qualité de mon anglais, mais de la structure du bousin, modelée par des années et des années de dissertations dites littéraires, raconte une histoire depuis le début jusqu'à la fin, un paragraphe par idée, introduction-conclusion dans chaque partie, etc. Pour illustration, je me suis rendue compte uniquement après avoir écrit mon introduction que mes deux collaborateurs désormais docteurs, ayant obtenus leur doctorat en 2007 et 2009 respectivement, n'avaient ni l'un ni l'autre de chapitre introductif ni de conclusion ; et que contrairement à moi ils n'avaient pas l'air d'avoir passé leurs vacances de décembre à trouver une histoire qui fasse bien coller ensemble toutes les pièces de leur recherche.

Puis je suis restée seule avec mon jury ; j'ai eu droit à une seule question, qui n'en n'était pas une, mais plutôt une remarque de Juré N°1, qui avait repéré une phrase dans mes 163 pages de texte-sans-compter-les-références-ni-les-pages-de-titre avec laquelle il n'était pas d'accord. La phrase étant une affirmation venant directement d'un papier où elle y avait été glissée par un co-auteur, je n'ai eu aucun mal à me faire guider dans la preuve de sa fausseté, après quoi je fus relâchée parmi mes amis avec lesquels je pus attendre les délibérations, sur lesquelles je n'avais à ce moment-là plus aucun doute. Puis Advisor m'a appelée, et a refermé la porte avant de claironner « félicitations ».

Le tout fut suivi d'un tourbillon de serrages de paluches, signatures, prises de photos, coups de téléphones, mises à jour de statuts, déjeuner avec le labo, champagne... (avant que vous ne vous imaginiez trop de choses, nous avons mangé à Yoghurtland et en vrai, c'était du crémant). Puis mes muscles ont enfin commencer à se détendre et je me suis effondrée comme une chiffe molle dans mon lit où j'ai fait une belle petite sieste.

Ne vous inquiétez pas, il me reste encore beaucoup à faire, dont : corriger toutes les fautes de frappe, de grammaire ou d'orthographe que Juré N°1 a relevé — vu qu'il a lu ma thèse, lui — avant de la soumettre le plus vite possible ; dormir ; organiser différentes festivités (heureusement mes collègues se chargent de ce soir, parce que sinon, ça aurait été tout le monde au lit puis c'est tout) ; plier bagages (au propre comme au figuré, à la maison comme au labo) ; et dormir encore.

Et merci à tous pour les encouragements et félicitations, ça fait vraiment très très plaisir.