D'abord, la page d'accueil de Google, qui ne peut pas s'empêcher de se mêler de ce qui ne la regarde pas (autrement dit, tout ce qui n'a pas trait à être un moteur de recherche et servir un accès à d'autres services de l'entreprise), est en blanc sur fond noir. Parce qu'il faut plus d'énergie pour afficher du blanc que du noir. Ça fait un petit moment déjà que quelqu'un avait calculé la quantité d'énergie qui serait économisée si Google utilisait un fond noir, et le site Blackle avait été lancé afin de mettre en œuvre ce beau principe afin de satisfaire les treehuggers[1] de plus en plus nombreux aux États-Unis. Sauf que Google avait déjà à l'époque démenti les bienfaits de Blackle, affirmant que les écrans plats, qui constituent trois quart des écrans du marché, ont tendance à utiliser plus d'énergie pour afficher du noir que du blanc.

Autrement dit, Google soi-même n'est pas convaincu d'économiser quoi que ce soit en passant en blanc sur noir, mais n'a rien trouvé de mieux pour marquer le coup l'heure pour la planète. Alors évidemment, seule la page d'accueil est différente, et les résultats des recherches sont toujours affichées sur fond blanc, l'impact est donc minime. Mais tout de même, je trouve ça plutôt culotté. A moins qu'il ne faille donner l'impression d'être en deuil pour la planète...

Et puis, sérieusement, blanc sur fond noir ? Mais ils veulent ma mort ophtalmique ? Gris très clair sur gris très foncé, afin d'éviter d'agresser les nerfs optiques des gentils utilisateurs, ça serait pas possible ? C'est pas si difficile, hein. Non seulement c'est comme ça que beaucoup de geeks de ma connaissance configurent leurs fenêtres de terminal, mais c'est aussi ce que Blackle a réussi à faire. Sauver la planète, peut-être, mais à coups de migraines, non merci.

Réduire notre consommation d'énergie, c'est important, je veux bien le croire. Et éteindre la lumière pendant une heure, c'est un si beau geste ! Regarde, même le roi de Suède s'y met. (Bon lui n'éteint que les façades de ses châteaux, faut pas déconner non plus, on est royal ou on ne l'est pas, hein.)

C'est tellement facile.

Pourquoi s'embêter à utiliser (et développer) les transports en communs ? Pourquoi se casser la tête à essayer de développer des alternatives au pétrole ? Pourquoi te faire suer à trier tes déchets, réduire tes emballages, utiliser moins d'eau, ne sortir le gros 4x4 que quand tu as vraiment besoin de quatre roues motrices, remplacer tes ampoules par des LFC, prendre le temps de réfléchir un peu et envisager de changer son mode de vie ?

Alors que tu peux tout simplement éteindre la lumière pendant une heure ! A huit heures du soir, évidemment. Quand il fait nuit (du moins dans le sud de la Californie). Puis le but c'est bien qu'il fasse noir, hein. Sinon t'as les spécialistes de la pollution lumineuse nocturne et du mal qu'elle fait aux animaux et/ou aux observateurs d'étoiles amateurs sur le dos. Ta bougie, tu te la mets où je pense Isolde[2], on t'a dit qu'on faisait un geste pour la nature, allez, hop, on s'assoit dans un coin sombre de sa chambre à coucher[3], on se morfond et on fait pénitence pour le sort de la planète. Regarde, même Google est en deuil ! Pis t'inquiète pas, ça ne dure qu'une heure, après, on pourra aller rallumer toutes les lampes de la maison, même le père Noël qui clignote si ça peut te consoler, et si vraiment, une heure, c'est trop difficile, on peut sortie le 4x4 du garage et aller rouler sur l'autoroute. Allez. Pour la planète.

Alors, oui, l'important, ce n'est pas d'économiser une quantité négligeable d'électricité, c'est le message politique. La symbolique, c'est symbolique, même si c'est un peu vide dedans. Il faut envoyer un message fort au gouvernement et lui dire, « eh, monsieur, moi la protection de la planète je trouve ça important, regarde, j'ai trouvé l'interrupteur, je suis prêt. ».

N'empêche. Ça me fait penser aux gens dans les fast-food, ceux qui prennent un sandwich super-géant avec deux ou trois steaks, du bacon puis de la patate frite à l'intérieur, une grande frite avec ketchup et mayo en veux-tu en voilà, une crème glacée avec des noix, des morceaux de chocolats et du caramel liquide dessus, et qui demandent un grand coca avec. Et qui, pris d'un sentiment de culpabilité face à l'idée d'avaler trois fois leurs besoins caloriques quotidiens en un repas et/ou de se boucher soigneusement les artères, se reprennent et précisent « oh, et light, le coca ». Et, oui, j'ai vu le strip de Gally/Cathy sur le sujet.

Bref.

Ce soir, entre huit et neuf heures, la lumière sera allumée dans la pièce où je me trouve, et éteinte dans les pièces inoccupées de l'appartement. Comme d'habitude.

Participation au Sablier du printemps (amorce 6).

Màj hommage : L'amorce provient d'un billet du blog de Chondre

Notes

[1] Littéralement embrasseurs d'arbres...

[2] Non mais on va pas recommencer avec le Dis-moi dix mots, j'en peux plus moi d'ouvrir des bouteilles de vin...

[3] Hmm... désolée, pas pû m'empêcher...