Le boulot des Démocrates, dans les semaines qui viennent, sera de s'assurer le vote des swingers, les éternels indécis qui ne savent pas vraiment pour qui voter. On entend beaucoup dire qu'ils doivent insister sur le retrait d'Irak et l'assurance santé, mais je pense que leur argument massue, c'est leur plan sur les impôts, le plan qui prévoit des réductions plus importantes que celui de McCain pour ceux qui gagnent moins de cent-vingt mille dollars par an, une frange que je suppose très importante de la population des États-Unis. Parce que l'assurance santé, oui, c'est une belle carotte, mais l'indécis se méfie : cette assurance santé, il va bien falloir la financer ? Et l'argent, pour ce faire, il va bien venir des impôts ? De mes impôts ? Car c'est bien simple, dans l'esprit collectif, le Démocrate augmente les impôts et le Républicain les baisse. C'est pourquoi il va falloir lui marteler, au citoyen moyen, que ses impôts baisseront plus avec Obama qu'avec McCain.

L'électeur Républicain, on ne peut plus le convaincre : il sait que les Démocrates ne vont rien faire qu'à lui prendre ses sous pour les donner à de moins méritants. L'électeur Républicain peut lire avec des frissons dans le dos que Palin et McCain défendent l'abstinence comme le meilleur moyen de contraception et sont contre l'avortement même dans le cas d'un viol (incestueux ou non). L'électeur Républicain peut réaliser qu'on se fout de sa gueule, à essayer de l'appâter à coup du furet Palin, même pas capable de donner des entretiens à une presse qui ne lui est pas acquise, terrée dans son donjon alaskan loin des méchants « médias libéraux », ces sales journaux gauchistes comme le ''New York Times" et ces chaînes de télévision anarchistes telles que CNN, ces vilains, vilains, vilains qui n'ont rien fait qu'à dire du mal d'elle depuis que sa nomination a été acceptée, les sales batards. L'électeur Républicain peut trouver qu'ils y vont un peu trop fort sur la religion, ces deux charmants créationnistes. L'électeur Républicain peut, pour une éphémère seconde, se sentir quelque peu ambivalent face aux mensonges éhontés de Palin, la dame qui est contre tous ces législateurs qui ne font rien qu'à passer des budgets pour un truc qui leur ferait plaisir, comme un pont par exemple (je dis pont mais j'aurais pu aussi bien dire beffroi, n'y voyons pas malice), mais qui au passage se débrouille pour récupérer ainsi le plus de dollars par habitant de tous les États des États-Unis d'Amérique.

Mais bien vite, l'électeur Républicain se souviendra du lépreux qui est son seul autre choix, ce sale type qui ne va rien faire qu'à lui prendre ses sous qu'il a gagné il y a droit et socialiser le pays alors que tout le monde le sait bien, que le socialisme, c'est le mal, regarde la Russie d'ailleurs, c'est bien pour ça que Palin, qui s'y connait en matière de Russie grâce à la frontière de l'Alaska avec la Sibérie, sait bien que tout ce qui est social, c'est le Mal. Sauf la Haute Société, celle à laquelle appartient Cindy McCain, qui afin de faire preuve de son jugement de future Première Dame, s'est ramenée à Minneapolis avec trois cent mille dollars sur le dos (une estimation de Vanity Fair, hein, moi je ne sais pas évaluer le prix des diamants d'un coup d'œil et encore moins reconnaitre un couturier). Alors l'électeur Républicain se renfonce dans son fauteuil et continue de machouiller tranquillement ses chips devant le football (la saison vient juste de reprendre, avec ça).

Et, au fond, je le comprend un peu, l'électeur Républicain. Entre un connard de gauche et un type relativement correct de droite (c'est-à-dire que s'il est vraiment correct, il ne peut pas être de droite, selon mes critères fumeux peut-être mais personnels tout du moins), j'aurais tendance à voter pour le connard de gauche dans l'espoir que son gouvernement se charge de limiter les dégâts. C'est d'ailleurs bien pour cela que j'ai du mal à comprendre les indécis, ceux qui changent d'avis d'une élection à l'autre.

Et Obama, tout riche qu'il est maintenant qu'il reçoit dix millions de dollars de contributions chaque fois que Palin ouvre la bouche, sait probablement déjà qu'il a intérêt à continuer de pousser les gens à s'inscrire sur les listes électorales et à voter au jour dit, quitte à aller chercher dans les quartiers défavorisés tout ce beau monde qui ne fait rien qu'à musarder au lieu d'espérer que le gouvernement fasse quelque chose pour lui.

Note : Ceci était ma participation à l'appel d'Anna à jouer à replacer douze des quinze mots choisis par ses lecteurs dans un texte. Oui j'ai un peu triché et utilisé « musarder » au lieu de « musarde » mais il se fait tard et je suis fatiguée.