Lundi soir. Je me traine à un cours de swing. C'est à peine si je réussis à soulever les pieds ; je n'ouvre pour ainsi dire pas la bouche de l'heure, prends presque personnellement les blagues à deux balles de l'instructeur, et pars aussi tôt que possible en tirant la tronche. Échec.

Mercredi soir. Tango. « C'est la prochaine », me glisse-t-on à l'oreille. J'ôte mon pull et prends position. Adios Muchachos, son tango préféré. Je danse maladroitement, incapable du moindre embellissement, ratant un ou deux coches. C'est pourtant le début. Mon cavalier me serre dans ses bras et je retourne sur mon banc, préférant regarder les couples évoluer sur le parquet.

Jeudi soir. Bien sûr que je viens, je ne peux pas manquer la première représentation de l'équipe de swing. Et puis, non, ne t'inquiète pas, je peux me charger de la vente, je n'ai pas l'esprit à prendre le cours. Pourtant, au fur et à mesure que la soirée se passe, au fil des discussions polies avec les danseurs qui m'achètent des douceurs (« Votre fils est de chez nous ? Promo 2001 ? Et il est là ce soir ? Vous ne seriez pas la maman de B ? »), alléchée par le chanteur de blues live, impressionnée et excitée par la performance de l'équipe, contaminée par leur énergie, je retrouve l'envie de danser.

L'un après l'autre, les cavaliers de l'équipe m'entrainent sur la piste. En mode semi-automatique, je peine à suivre les plus audacieux ; l'un d'entre eux se plaint à demi-mot, plus tard, alors que nous regardons d'autre couples danser : « j'aimerais bien savoir faire ça » me dit-il, et je lui avoue qu'il y arriverait probablement avec une cavalière suffisamment réceptive. Pas comme moi ce soir. Pour toute réponse, il se lève et m'invite à danser. Le chanteur de blues interprète Layla, je me concentre sur mon cavalier. Après quelques pas de base et un ou deux de ses grands classiques, il réussit sans problème le mouvement tant convoité. Je souris, les copains sur le bord de la piste applaudissent, il me fait faire un triple tour, je perds le contact et le retrouve aussitôt avec un autre cavalier venu s'interposer entre lui et moi... Showtime.

Vers minuit je reconnais avec regret qu'il serait temps de rentrer. Tour à tour, les membres de l'équipe me serrent dans leurs bras ; je les félicite à nouveau pour leur représentation, pour les progrès effectués depuis la dernière fois que je les ai aidé à répéter, pour la petite introduction ajoutée quasiment à la dernière minute. « You and I. Blues. Monday », me glisse l'un d'eux à l'oreille. Pour la première fois depuis le samedi précédent, je souris franchement.