Une erreur commune que peut faire le néophyte au sujet des localisations respectives d'Irvine et de Los Angeles est de penser que, sous prétexte que les deux villes sont à quarante miles (soit 65 km) l'une de l'autre, elles sont proches. C'est sans compter sur les embouteillages. Même à 11h30, heure réputé paisible, nous nous sommes retrouvés pare-choc contre pare-choc sur la 5, une maigre autoroute – pour la norme locale – de deux fois trois voies de toute évidence insuffisante. Une fois sur les lieux, nous avons bataillé pour trouver où garer (les conditions générales de vente, relativement obscures quant à la possibilité de payer $7 au lieu de $20 pour garer dans un parking approprié, n'aidant pas à la manœuvre).

Mais ces basses nécessités n'ont pas suffit à entamer le plaisir de profiter d'un jour de congé, et c'est d'humeur badine que nous sommes entrés dans le Los Angeles County Museum of Art. Le temps nous était compté (arrivés à midi trente, nous voulions repartir vers seize heures, une conception marathon du musée qui correspond bien à mon habitude d'arriver juste avant la fermeture et d'essayer de m'en mettre le plus possible plein les mirettes), mais nous avons eu le temps de nous émerveiller devant tout un tas de jolies choses d'origines fort variées :

  • des tableaux de Picasso, Matisse, Kandinsky, Braque, Léger (qui me déplait toujours autant), Monet, Degas, Renoir, Rembrandt, Dubuffet (je vais finir par croire que je ne l'aime pas, Dubuffet), Sargeant, Tintoret, Chardin, Gauguin, Cézanne... ;
  • de l'expressionnisme allemand qui comme d'habitude m'a plus glacée qu'autre chose ;
  • des masques africains ;
  • des statues du moyen-âge, des sculptures de Matisse, Brancusi, Picasso, Giacometti, des bronzes du dix-septième qui n'ont déclenché en moi qu'un vague désintérêt ;
  • le fameux Magritte Ceci n'est pas une pipe (apparemment dans le cadre d'une exposition) ;
  • des objets fort antiques, mosaïques romaines, figurines de bronze de 1000 avant JC, vases grecs, statuettes et sarcophage égyptiens ;
  • du moderne façon « oh, un carré parme sur un fond vert, quelle créativité, que d'émotion exprimée, quel génie ! » ;
  • du très moderne, parfois dérangeant (comme ce laboratoire d'entomologie avec automate entomologiste incorporé – ce truc m'a fichu les jetons – ou cette salle-à-manger pour géants), parfois amusant (comme le chien bleu gonflable ou cette photo sous-titrée « Wrong », ou une œuvre labyrinthique de Richard Serra, mettant à dure épreuve je n'en doute le nombre pi, dans laquelle nous nous sommes perdus).

Entre-temps nous avons déjeuné d'un rapide sandwich dans un des cafés du musée ; notre déjeuner fut hâté, plus encore que par notre désir de voir un maximum d'œuvres, par l'irritante présence à une table voisine de trois pipelettes dont la conversation tournait essentiellement autour d'un sac à main à deux mille dollars, préoccupation principale selon ses dires de l'une des dames en question, qui aurait à mon humble avis mieux fait de s'inquiéter du pantalon trop long qui lui tombait en tire-bouchon sur les pieds (elle me rappelait un pauvre garçon qui était en classe avec moi il y a fort longtemps et portait toujours des pantalons trop longs, Xave je crois) et de sa propension à parler trop fort en public.

Je n'ai pas pris de photos parce que soit c'était interdit, soit il n'y avait pas assez de lumière. Et puis si j'avais commencé je ne me serais pas arrêté et nous n'aurions pas eu le temps de voir autant de choses... bien que le nombre d'œuvres exposées m'ait semblé fort inférieur à celui dont se réclame le LACMA – je suppose que nombre d'entre elles, comme Tristan et Iseult (Iseult ? Isolde ? Yseult ? Quelle importance...) de Fantin-Latour, ne sont pas toujours visibles – nous sommes partis en ne laissant derrière nous « que » l'art japonais, sud-asiatique, moyen-oriental/islamique, la collection de photographie (manifestement ouverte uniquement sur rendez-vous ?) et l'art d'Amérique Latine pas encore ouvert au public.

Avant de nous engouffrer dans la voiture et de nouveaux embouteillages, nous avons jeté un rapide coup d'œil à l'un des puits d'asphalte de La Brea, situés juste à côté du musée. Il s'agit en gros de petits lacs d'asphalte, remontée à la surface terrestre, animés par de jolies bulles de méthane, et dans lesquels au cours des siècles de nombreux animaux se sont fait piéger et, plus tard, fossiliser.

C'était ben chouette.

Tellement bien que j'ai bien envie de prendre le train un de ces quatre week-ends pour aller visiter le MOCA, situé près de la gare – peut-être y serai-je en train de déjeuner le 6 avril prochain, entre midi et treize heures...

Participation au Dis-moi dix mots au printemps