Keeping in touch
Bien sûr, ce que je préfère, en vrai de vrai, c'est d'être avec les gens.
Quiconque m'a entendu marmonner dans le téléphone la semaine dernière que non, décidément, je ne pouvais pas venir, parce qu'il y allait avoir des gens, et que les gens, là, franchement, j'avais pas le courage peut se permettre de hausser le sourcil. Gauche. Par conviction politique.
Je précise donc : pas n'importe quels gens. Les gens bien, seulement. Évidemment.
Être avec eux. Les heures passées à sillonner les rues d'une ville, fut-elle Paris ou Vancouver (les limites de mon imagination me restreignent manifestement aux deux dernières que j'aie arpentées). Les soirées passées à papoter de tout et n'importe quoi, de féminisme, d'identité nationale, d'appareils photos, d'églises romanes, et surtout de n'importe quoi. Des sales coups infligée par la vie qui n'est qu'une chienne, aussi, mais moins. Boire des bières ou déguster des macarons, faire du thé (la solution britonne à tous les emmerdements — pas forcément à tort, finalement) ou prendre des photos macro, et surtout dire des bêtises et rire aux éclats. Ou ne rien dire du tout, au contraire, et se sentir bien quand même, mais c'est un luxe que je ne peux que rarement me permettre.
Sauf que bien sûr, être avec les gens, les gens bien, seulement, ça n'est pas toujours facile. Ça prend du temps, plus que je n'en ai — heureusement que j'ai quelques gens bien au labo aussi, on passe des moments formidables —, et puis les gens bien ont une sale tendance à vivre loin. Il parait que c'est de ma faute, it's not them, it's me, certes, mais 27°C à l'ombre un 17 mars et la Saint-Patrick en sandales, ça pourrait en séduire au moins un ou deux ? Non ? Bon.
Après, il y a le téléphone. Il faut bien l'avouer, je suis nulle en téléphone. Mais moins qu'il y a dix ans, c'est déjà ça de pris. Enfin, donc, le téléphone, à part ma p'tite mère à moi que j'ai une heure ou deux par semaine... les grands-mères quand le décalage horaire (à propos duquel, faudrait que je change l'heure ici, peut-être) colle bien et que je n'appréhende pas trop les nouvelles, puis c'est à peu près tout, à part le boulot et les coups de fils locaux, type, quoi où quand comment qu'est-ce-tu fous t'es en retard j'arrive dans cinq minutes.
Restent les petits mots.
Les cartes postales dans la boîte aux lettres, qui arrivent parfois par paquets de trois dans la même enveloppe parce qu'il n'y avait pas assez de place sur une (et me fournissant par la-même une excuse : ma logorrhée verbale est héréditaire), et qui me font parfois me souvenir de l'époque où j'écrivais, à la main, et envoyais, dans une enveloppe avec un timbre, jusqu'à plusieurs lettres par semaine à mon meilleur ami (et pas particulièrement courtes, les missives, il te le confirmera).
Et la magie de la fibre optique. Les conversations sur messagerie instantanée, même si elles se résument à quelques lignes laissées en l'absence l'un de l'autre. Les petits mots sur Facebook. Les commentaires, ici et là. Les mises à jour, aussi, qui laissent entrevoir que la vie continue mais que les gens, eux, ne changent finalement pas tant et sont toujours furieusement les mêmes.
Et, à chaque fois, le sourire qui ne manque pas de se former sur mes lèvres.
Alors, non, de se croiser brièvement sur messagerie instantanée de remplacera jamais le plaisir de crier ensemble des insanités par la fenêtre ouverte (oh, ça va, c'était le nouvel an). Mais c'est quand même infiniment mieux que rien. Keep in touch, en conclusion.
P.S. qu'a rien à voir avec le prix des œufs, sauf que j'enverrai probablement des cartes postales si j'arrive à sortir du labo suffisamment tôt pour aller acheter des timbres d'ici là : je serai à San Francisco de dimanche à jeudi. Au programme : une conférence (un poster, un exposé, et cette saleté de tailleur), des amis dans le même hôtel, des gens à essayer de croiser. Et une cavalcade, puisque dimanche commencera à San Diego avec un mariage (je sais, j'avais dit que j'allais plus, mais je suis faible, que veux-tu) dont trois d'entre nous partiront, on l'espère, suffisamment tôt pour sauter dans un avion et présenter leurs posters le soir même, frais et dispos (ahem).