Messa per Rossini
Ce qui est bien, en Allemagne, c'est que la musique classique est une affaire qui va de soi, plutôt que d'être comme aux Stazunis un truc de connaisseurs réservés à ceux qui ont du temps, de l'argent et des beaux vêtements à mettre dedans. J'en suis donc à mon troisième concert classique en autant de mois, sans avoir même fait l'effort de me renseigner, ils me sont tombés dessus sans que je demande rien.
Ce soir, c'était Missa per Rossini à la collégiale. Gratuit, mais servant de collecte à une association qui s'occupe d'offrir des vacances à des enfants de pays en guerre (initialement, en ex-Yougoslavie, actuellement, en Israël et Palestine). Après leurs belles vacances où ils ont appris à s'aimer entre gamins de religions différentes dont les papas se tapent dessus, on les renvoie à leur misère les yeux plein d'espoirs et le cœur plein d'idéaux : c'est beau.
Le problème d'un pays comme l'Allemagne où les gens aiment bien la musique classique (cf supra), c'est qu'un concert de ce genre et gratuit attire les foules autant que de la bouffe gratuite dans une école doctorale. Résultat, en se pointant une heure à l'avance, on a pas réussi à avoir de place assise. Donc, 1h50 de Missa per Rossini (plus 20 minutes de blabla de Madame Vacances-aux-Enfants-en-Guerre, et encore si la salle ne s'était pas mise spontanément à applaudir pour lui couper la parole, je pense qu'on y serait encore à écouter comment c'était magnifique que des enfants serbes aient envie de jouer avec des enfants croates) alternativement debout et assis sur le sol de l'église.
Mais c'était quand même très bien (Schön, war's[1] répétait l'assistance en sortant, avec un enthousiasme tout allemand), à part que l'acoustique n'était pas toujours optimale pour les solistes (c'est un peu dommage de pas bien entendre les solistes, surtout quand ils chantent bien, je trouve).
Comme d'habitude, je suis tombée amoureuse du soliste basse. Même si je dois dire que le chef du pupitre d'alto était particulièrement agréable à regarder (même si je l'ai vu pas toujours avoir le petit doigt sur l'archet, pendant des staccatos en plus, c't'incpapable). J'en profite pour remercier les compositeurs de ce requiem d'avoir donné un rôle vaguement intéressant aux altistes ; je te jure que dans le Messie de Haendel que j'ai vu récemment, la partie d'alto a été écrite uniquement pour répondre à la pression des syndicats — soit ils font pareil que les seconds violons, soit ils font pareil que les violoncelles, soit ils jouent pas[2].
Comme d'habitude, j'ai plaint les percussionnistes d'avoir un rôle encore plus pourri que celui d'altiste, surtout le mec qui a (1) tapé des cymbales une fois dans un des mouvements, et (2) tapé sur la grosse caisse en même temps que son copain (genre y fallait trois bras et le copain en avait que deux). Je l'ai rien vu faire d'autre de tout le concert (j'en ai peut-être raté, cela dit).
Comme d'habitude, l'accordage et le moment où l'orchestre applaudit les solistes / le chef / le chœur en tapant du pied sur la scène (ou de la main sur la caisse de son violoncelle pour ceux en la possession d'un violoncelle) ont été mes madeleines de Proust (oui, il m'est arrivé d'avoir les larmes aux yeux en entendant un orchestre s'accorder).
Comme d'habitude j'avais mal aux mains à la sortie d'avoir applaudit aussi fort.
Puis après je suis allée manger un truc avec un pote dans un trou-dans-le-mur[3] et on a parlé de street art et de Banksy et de Jean-Michel Basquiat. Enfin, lui a parlé de Basquiat et moi j'ai beaucoup dit « echt? »[4] et « wirklich! »[5] (je suis complètement inculte sur le sujet).
Y a pas à dire, la Germanie ça me change de la Californie.