Je suis certaine que tu préfères chantonner « des mots qui font rêver » que de te réveiller en beuglant une fois encore « Santiano ! » à cause de ce que je t'ai fait hier. Allez, avoue, tu es content.

Mais de quoi que je cause ? Ça y est, j'ai guéri le cancer, la tuberculose et la myxomatose du genou d'un coup de souris magique ? Non. Pas du tout, d'ailleurs. Mais tu n'es pas sans savoir, si tu as trainé dans le coin suffisamment longtemps, que j'ai passé (et obtenu, aussi, par la même occasion) mon bac à quatorze ans. (Et demi, parce qu'à quatorze ans, les demis, ça compte encore.) Sinon vas donc lire le dernier paragraphe de la F.A.Q. et les liens qu'il y a dedans avant de lire la suite.

Lecteur, lecteuse, sache que je subis en ce moment les désagréables effets secondaires d'une saleté de médicament bien que j'en prenne la dose la plus minimale possible (à ces quantités, le machin n'est même pas supposé avoir d'effets thérapeutiques, juste me permettre de m'habituer afin de ne pas tomber dans les pommes au moment où j'augmenterai le dosage, mais à ce rythme là, je vais devoir laisser tomber avant). Je suis donc fraîche comme la rose, pour tout dire, l'autre jour quand j'ai levé la main pour participer avec intelligence, clarté et perspicacité à la discussion qui suivait une présentation orale lors d'un symposium, j'ai cru que j'allais tomber de ma chaise, et j'ai balbutié deux trois phrases que mon interlocuteur doit encore essayer de mettre bout à bout afin d'y trouver un sens. (Enfin, d'accord, il a probablement abandonné.)

D'où (en partie du moins, mais je tiens une bonne excuse, je ne vais pas la lâcher comme ça) l'absence de nouvelles. Et la nécessité de tout balancer en vrac dans le présent billet, modèle d'organisation s'il en est.

Il est trois heures du matin, je n'arrive pas à dormir. J'entends le bruit de la mer, des vagues qui s'écrasent contre la falaise en soupirant, en rongeant de leur larmes les pierres insensibles. Comme si j'y étais... Quand j'ai emménagé en Californie, j'étais émerveillée par les plages de sable fin avec palmiers qui bordent l'océan Pacifique ; mais maintenant que j'y suis habituée, que je rêve de vacances, les plages de rochers et les vagues qui viennent se briser contre des parois inhospitalières me manquent. Je repense à Victor Hugo et aux descriptions des tempêtes dans L'Homme qui rit ou bien Les Travailleurs de la mer. Un peu de relief, d'imprévu, d'émotion, que diable, qu'elles sont donc inintéressantes ces grandes plages de sable sous leur soleil éclatant !

Y a des gens qui ont des rêves de grandeur.

Ils voudraient gagner au loto, posséder des voitures de luxe, un ou deux yachts, quelques résidences secondaires dans des îles^[1] paradisiaques, des manteaux en peau de chaton siamois, que les filles soient nues, qu'elles m'admirent qu'elles me t...^[2] hmm, oui, bon, voilà.

Alors que moi, si on me donnait un peu d'argent, ouhlà, rien à voir avec une super cagnotte^[3], voilà ce que je ferais :

• j'arrêterais de m'inquiéter et d'essayer de savoir si oui ou non, mon assurance santé (payée par mes frais de scolarité et donc ma bourse) va continuer de couvrir le traitement de mon désordre pas vraiment grave mais bien chiant quand même ;

• j'arrêterais de perdre mon temps à courir après des voitures d'occase qui s'avèrent systématiquement être de vieux clous dont mon budget permettrait de financer leur achat ou leur réparation, mais pas les deux à la fois ;

• j'arrêterais de me demander combien de temps le Blondinet va tenir comme ça entre la résidence qui tout d'un coup a décidé de ne plus l'héberger pendant son année de césure, et son assurance santé à lui qu'il doit désormais payer de sa poche et qui se trouve majorée de 60% pour cause de syndrome de Barlow^[4] ;

• j'arrêterais de me flanquer des baffes (virtuelles) parce qu'il faudrait que j'arrête de me plaindre et que la pauvreté ça n'a rien à voir avec le fait d'avoir une chambre sympa dans un appartement décent^[5], un certain nombre d'objets dits de valeur (même si la plupart sont des cadeaux), plein de fringues ^[6], de quoi manger autre chose que des ramen^[7] et faire des cadeaux (aux autres et à ma bienveillante personne).

Du coup, vous m'excuserez, mais je m'en retourne essayer de guérir la maladie du sommeil, le cancer et la myxomatose des genoux, parce que pour augmenter mes revenus, c'est soi ça soi maître du monde, et maître du monde, c'est passé de mode.

En aparté et à propos de myxomatose des genoux, y a un type de M*crosoft Research nommé David Heckerman qui est venu causer l'autre jour à propos de son travail sur le développement d'un vaccin contre le SIDA, c'était très intéressant (même si tant qu'on ne sait pas si ça marche ce ne reste qu'une piste et si j'ai passé une bonne partie de son exposé à me dire que quand même, travailler chez M*crosoft Research, c'est bien lourd, on est obligé d'être sous W*ndows et d'utiliser son invite de commande au lieu d'un vrai shell) et je vous en dirais volontiers plus si je n'avais déjà largué les trois quart de mes autres lecteurs. Mais j'ai des notes relativement claires et le monsieur a un site web et des publis, si quelqu'un est fasciné (ou bio-informaticien au sens large, ce qui n'empêche pas d'être fasciné, au contraire).